Plusieurs personnes ont été tuées mardi dans de nouvelles violences à Kinshasa, où trois sièges de partis d’opposition ont été incendiés après les affrontements mortels de lundi en marge d’une manifestation réclamant une présidentielle avant la fin du mandat du président Kabila en décembre.
Pendant la nuit, le siège de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), premier parti de l’opposition à l’Assemblée nationale de la République démocratique du Congo (RDC) a été attaqué. Le feu y était encore fort en début de matinée lors du passage d’une équipe de l’AFP.
Une journaliste de l’AFP a vu deux corps carbonisés, deux autres personnes en train de brûler vives et un homme grièvement blessé à la tête allongé à terre. Dans l’enceinte du bâtiment, situé dans le centre-ouest de Kinshasa, des bidons d’essence renversés témoignaient du caractère criminel de l’incendie.
Interrogé par l’AFP, Félix Tshisekedi, secrétaire national de l’UDPS (parti fondé par son père, le vieil opposant historique Étienne Tshisekedi), accuse « un commando du camp du pouvoir » d’avoir attaqué les lieux.
« Est-ce qu’un État normal répond par des représailles ? Nous avons affaire à un État voyou », ajoute-t-il en faisant référence aux incendies ayant dévasté la veille plusieurs bâtiments de partis de la majorité.
Selon M. Tshisekedi, cinq personnes ont péri mardi dans l’incendie du siège de l’UDPS.
Deux autres sièges de partis ont également été incendiés pendant la nuit: celui des Forces novatrices pour l’union et la solidarité (Fonus) et celui du Mouvement lumumbiste progressiste (MLP).
Ces nouvelles violences ont été suivies de mouvements d’émeutes dans plusieurs quartiers de la ville réprimées par des policiers renforcés par des soldats.
Dans la matinée, les journalistes de l’AFP ont entendu des détonations de tirs de grenades lacrymogènes et d’armes à feu alors qu’ils se trouvaient près du siège de l’UDPS, dans le centre-ouest de la capitale.
Selon des sources de sécurité privées, des sources diplomatiques et des habitants, une multitude d’affrontements entre forces de l’ordre et jeunes en colère a eu lieu mardi dans les quartiers du centre et du sud de la capitale. Comme la veille, plusieurs symboles de l’État, comme des postes de police, ont été attaqués.
– ‘Je ne peux pas sortir de chez moi’ –
« Jusqu’à maintenant, ça tire dans la rue », a déclaré à l’AFP en début d’après-midi un habitant de Ngiri-Ngiri, dans le centre de la capitale. « En tout cas, je ne peux pas sortir de chez moi », a-t-il lancé.
Réuni autour d’Étienne Tshisekedi, un « Rassemblement » de l’opposition avait appelé lundi à manifester dans tout le pays pour exiger le départ du président Joseph Kabila au terme de son mandat le 20 décembre et l’organisation dans les temps de la présidentielle censée avoir lieu avant cette date.
La marche a très rapidement dégénéré en affrontements avec les forces de l’ordre. L’opposition et le pouvoir se sont renvoyé la responsabilité des violences émaillées de pillages qui ont fait 50 morts selon le Rassemblement, 17 (3 policiers et 14 « pillards ») selon les autorités.
Dans un message sur Twitter, Ida Sawyer, chercheuse de l’ONG Human Rights Watch (HRW) récemment expulsée du Congo, écrit que son organisation a reçu « des rapports crédibles de 37 civils tués par (les) forces de sécurité » depuis lundi (dont 17 pour la seule journée de mardi) et de 6 policiers et un membre du parti présidentiel « tués par les manifestants ».
Lundi, la Belgique, les États-Unis, la France et l’Union européenne ont appelé toutes les parties à calmer la situation et à s’entendre sur l’organisation rapide de la présidentielle. Washington s’est dit mardi également prêt à prendre des sanctions ciblées additionnelles.
Selon la Constitution, ce mardi est la date limite pour convier les électeurs aux urnes pour la présidentielle, qui apparaît aujourd’hui impossible à tenir dans les temps.
La loi fondamentale interdit à M. Kabila, au pouvoir depuis 2001, de se représenter, mais celui-ci ne donne aucun signe de vouloir quitter son poste.
Présent mardi au siège de l’UDPS pour une « enquête » sur les violences, le chef du Bureau conjoint des Nations unies pour les droits de l’Homme en RDC (BCNUDH), José-Maria Aranaz, a déclaré à l’AFP que son organisation cherchait à « voir ce qu’on peut faire pour avoir un climat apaisé, réduire la tension politique et amener ceux qui sont responsables (…) des morts (devant) la justice ».
La brusque montée de tension dans la capitale congolaise survient alors que la majorité et certains représentants de l’opposition discutent dans le cadre d’un « dialogue national » rejeté par le « Rassemblement ».
Ce forum doit fixer les moyens de sortir de la crise politique que traverse le pays depuis la réélection contestée de M. Kabila en 2011 et ouvrir la voie à des élections « apaisées » mais retardées. Suspendus lundi, les travaux de la commission sur le calendrier électoral ont repris mardi à la mi-journée.
SOURCE : AFP