Côte d’Ivoire: La défense de Gbagbo accuse Ouattara d’avoir pris le pouvoir « par la force »

La défense de Laurent Gbagbo a affirmé lundi que son rival, le président Alassane Ouattara, s’était emparé du pouvoir « par la force » avec l’aide de la France, au troisième jour du procès de l’ex chef d’Etat ivoirien devant la Cour pénale internationale.

M. Gbagbo, 70 ans, est le premier ex-président poursuivi par la CPI depuis sa création. Son procès pour crimes contre l’humanité s’est ouvert jeudi de la semaine dernière et doit durer entre trois et quatre ans.

Avec son co-accusé Charles Blé Goudé, 44 ans, ex-chef de milice, il est poursuivi pour son rôle dans la crise née de son refus de céder le pouvoir à M. Ouattara, reconnu vainqueur par la communauté internationale de l’élection présidentielle de fin 2010.

« Alassane Ouattara et ses soutiens voulaient se saisir du pouvoir par la force et la bataille d’Abidjan est la mise en oeuvre de cette stratégie », a déclaré Emmanuel Altit, avocat de M. Gbagbo, lors d’une audience publique à La Haye, où siège la CPI.

Rappelant que son client avait été arrêté en avril 2011 après des bombardements français, l’avocat a soutenu que « la France ne voulait pas d’une paix négociée » entre les deux rivaux de la présidentielle.

Il a accusé Paris, l’ancienne puissance coloniale, d’avoir préparé « en sous-main » l’offensive ayant mené à la chute de l’ex-président, notamment en fournissant des armes aux forces pro-Ouattara malgré un embargo décrété par l’ONU.

Les violences avaient fait plus de 3.000 morts en cinq mois, des deux côtés des belligérants, transformant en champ de bataille certaines zones du premier producteur mondial de cacao, moteur économique de l’Afrique de l’Ouest.

– ‘Narratif politique’ –

A l’ouverture du procès jeudi, la procureure Fatou Bensouda avait accusé M. Gbagbo de s’être accroché au pouvoir « par tous les moyens ».

« Lorsqu’il a compris que la présidence allait lui échapper, Laurent Gbagbo, en concertation avec des membres d’un cercle privé de proches, a commencé à mener une campagne de violences orchestrées contre ceux considérés comme ses opposants », avait-elle soutenu.

Des attaques contre des civils ont alors été perpétrées par des forces gouvernementales et milices sous le contrôle des accusés, avait affirmé Mme Bensouda.

Regrettant qu’aucun responsable du camp Ouattara ne soit poursuivi par la CPI, l’avocat de Laurent Gbagbo a accusé lundi le bureau du procureur de faire une lecture « partielle » des événements et de peindre « à grands traits un camp du bien et un camp du mal ».

Selon la défense, c’est le camp Ouattara qui avait préparé la prise du pouvoir par la force, notamment via « une campagne de recrutement de mercenaires lancée début 2010 au Burkina Faso ». « Ces recrues ont été transférées dans le nord de la Côte d’Ivoire, où elles ont été militairement entraînées et armées ».
Me Altit a regretté les « silences » du dossier de l’accusation.

« Peut-être veut-on faire oublier les crimes, dont les pillages et les viols, dont s’étaient rendus coupables dès décembre 2010 soldats et mercenaires pro-Ouattara? », s’est-il interrogé.

Le dossier présenté par l’accusation « n’est que la reprise pure et simple, sous des habits juridiques, d’un narratif de nature politique » visant à légitimer le pouvoir d’Alassane Ouattara, a soutenu Me Altit.

Il a décrit son client comme « un homme de paix » et un « démocrate » ayant toujours oeuvré à la « réunification » de son pays.

– ‘Santé fragile’ –

La peine maximale encourue devant la CPI est de 30 ans de prison, mais les juges peuvent prononcer une peine plus lourde s’ils estiment que les crimes commis sont exceptionnellement graves.

Laurent Gbagbo, dont la santé est « fragile », selon ses avocats, avait été livré à la CPI en 2011. Charles Blé Goudé l’avait été en 2014.

Simone Gbagbo, épouse de Laurent, a été condamnée à 20 ans de prison en Côte d’Ivoire pour son rôle dans la crise, en compagnie de 78 autres personnes.

Mme Bensouda avait tenté d’apaiser jeudi les critiques lui reprochant de ne pas poursuivre le camp Ouattara, assurant devant les juges : « Nous enquêtons sur les deux côtés du conflit (…) cela prend du temps et nous demandons de la patience ».

SOURCE : AFP