Burkina: La ville natale de Compaoré vit sa première élection sans « le beau Blaise »

Ziniaré, son gouvernorat, son hôpital, ses usines, son zoo… La ville natale de l’ex-président Blaise Compaoré, qu’il a choyée pendant ses 27 ans à la tête du Burkina Faso, vit sa première campagne électorale depuis 1978 sans le « Beau Blaise », chassé par la rue en 2014.

Partout sur les grands panneaux publicitaires de la ville, on découvre les candidats à la présidentielle du 29 novembre, qui doit clore la « transition » ouverte aprèsl’insurrection populaire d’octobre 2014 qui a mis fin au régime Compaoré.

Roch Marc Christian Kaboré et Zéphirin Diabré, deux anciens barons du régime Compaoré passés dans l’opposition et grands favoris du scrutin, se taillent la part du lion sur les emplacements publicitaires officiels.

Mais sur les portes et les maisons, on voit essentiellement des affichettes avec la houe et l’épi de maïs du CDP, le Congrès pour la Démocratie et le Progrès, l’ancien parti de Compaoré.

Le CDP n’a pas eu le droit de présenter ses principales figures à la présidentielle, bridé par une loi électorale qui a interdit la candidature de personnes ayant soutenu en 2014 le projet de réforme constitutionnelle qui aurait permis à Compaoré de briguer un nouveau mandat. Toutefois, le CDP a le droit de participer aux législatives du 29 novembre et il a toutes ses chances de bien figurer, notamment dans l’ex-fief de Compaoré.

« On vise les deux mandats de l’Oubritenga », la province de Ziniaré, souligne Désiré Beyi, candidat à la députation CDP, qui sillonne les pistes de brousse aride, allant dans des hameaux reculés pour rencontrer les paysans.

– ‘Les langues commencent à se délier’ –

« S’il n’y avait pas eu le putsch (raté du 17 septembre), le CDP aurait fait un gros score. Le putsch l’a ébranlé mais il reste très fort dans les campagnes, chez les paysans », souligne un observateur avisé du Burkina, pays pauvre d’Afrique de l’Ouest qui vit essentiellement de l’agriculture.

Le 17 septembre, le Régiment de sécurité présidentielle, l’ancienne garde prétorienne de Compaoré, avait perpétré un coup d’Etat, dénonçant la loi électorale « anti-CDP ». Mais les putschistes avaient dû rendre le pouvoir une semaine plus tard. Et la justice a bloqué les comptes bancaires du CDP et inculpé plusieurs figures de l’ancien régime.

Ziniaré, ville moyenne 16.000 habitants (plus 62.000 dans la zone rurale) avait été élevée au rang de chef-lieu de province sous Compaoré, alors qu’elle n’est située qu’à 35 kilomètres de la capitale Ouagadougou.

A ce titre, Ziniaré a bénéficié d’innombrables infrastructures alors qu’elle ne méritait pas ce rang administratif, selon de nombreux observateurs et opposants. La ville est toutefois une cité historique du royaume des Mossi, l’ethnie majoritaire du Burkina.

Elle dispose de plusieurs usines (eau minérale, agro-alimentaire) et certains bâtiments sont démesurés par rapport à la taille de l’agglomération.
« Compaoré a beaucoup fait pour la ville », souligne un commerçant, sous couvert d’anonymat.

Le candidat Désiré Beyi nie tout favoritisme : « Ziniaré a eu beaucoup de réalisations et a des atouts, mais comme partout. Le régime de Compaoré n’a jamais fait de discrimination », plaide-t-il.

Pourtant tous ne voteront pas pour le CDP à Ziniaré. « Maintenant, les langues commencent à se délier, on peut s’exprimer », affirme une enseignante, toujours méfiante néanmoins et qui ne dévoile pas son nom.

Marc Zougrana, du Mouvement du Peuple pour le Progrès (MPP), le parti de M. Kaboré, estime qu’il est « possible » de déloger le CDP de Ziniaré, évoquant les problèmes du « chômage des jeunes et des femmes », et du faible pouvoir d’achat.

Sur la place du marché, la Commission électorale nationale indépendante a déployé comme dans beaucoup de villes du pays une tente avec des volontaires qui informent les habitants sur le fonctionnement de cette première élection sans Compaoré.

On y explique comment voter et on incite notamment, avec des dépliants et des dessins, les gens à ne pas accepter d’argent contre un vote.

La corruption des électeurs jouait une part non négligeable, selon de nombreux observateurs, à la réussite électorale de Compaoré.

SOURCE : AFP