Le pape a dénoncé jeudi la « persécution brutale » des jihadistes en Irak, Syrie et ailleurs dans le monde, du Nigeria au Pakistan, déplorant lors de sa bénédiction de Noël les violences contre les enfants au milieu de « tant d’indifférence ».
Paraissant ému et indigné, François a célébré la fête de Noël en envoyant son message « urbi et orbi » (« à la ville et au monde »), à 1,2 milliard de catholiques, sur fond de guerres et de fondamentalisme religieux.
Sans la citer, le pape argentin a mis l’accent sur les exactions de l’organisation Etat islamique (EI): « Nos frères et sœurs d’Irak et de Syrie, depuis trop de temps, souffrent des effets du conflit en cours et, avec ceux qui appartiennent à d’autres groupes ethniques et religieux, subissent une persécution brutale », a-t-il relevé.
Dans ce message retransmis par des télévisions du monde entier, il a évoqué « les nombreuses personnes dispersées, déplacées et réfugiées, enfants, adultes et personnes âgées, de la région et du monde entier ». Il a demandé qu’ils « puissent recevoir les aides humanitaires nécessaires » et « revenir dans leur pays ».
Un message qui concerne notamment les quelque 150.000 chrétiens déplacés irakiens ayant fui EI, qui ont eu un triste Noël, que ce soit à Bagdad ou dans les camps au Kurdistan irakien.
« Il n’y a pas d’avenir ici », déplorait le chrétien chaldéen Ghassan en serrant son fils de sept ans dans les bras, dans une salle de classe de Bagdad où il est réfugié.
« Quel avenir auront mes enfants? Qu’est-ce qui peut garantir qu’ils vont rester en vie? », s’interrogeait-il.
Le pape a aussi souhaité « le réconfort aux familles des enfants tués au Pakistan la semaine dernière », faisant allusion aux plus de 130 écoliers tués à Peshawar par un commando taliban.
Il a exhorté à « la paix au Nigeria, où à nouveau du sang est versé et trop de personnes sont injustement soustraites à l’affection de leurs proches et tenues en otage ou massacrées » par un groupe lui aussi islamiste, Boko Haram.
Deux Etats du nord-est du Nigeria ont imposé de sévères restrictions sur la circulation, redoutant des attaques du groupe pendant les fêtes de Noël.
– Enfants exploités « sous nos yeux » –
C’est le deuxième Noël du pape François, qui vient de fêter ses 78 ans et qui a acquis une forte popularité, y compris parmi les non-croyants ou les membres d’autres religions.
Par un temps couvert et doux, la place Saint-Pierre était noire de monde, et la foule, estimée à 100.000 personnes, débordait aux alentours.
Le pape en a profité pour lancer un deuxième message fort, sur les enfants exploités dans le monde: « Trop d’enfants sont victimes d’abus et exploités sous nos propres yeux et avec notre silence complice », a dit le souverain pontife avec virulence, d’une voix sourde.
S’éloignant du texte diffusé à l’avance, il a évoqué « les enfants massacrés sous les bombardements, y compris là où est né le Fils de Dieu » (en Terre Sainte), et leur « silence impuissant qui crie sous l’épée ». Il n’a désigné ni Israël ni les Palestiniens pour cette violence.
« Que Jésus sauve les trop nombreux enfants victimes de violence, objets de trafics et de la traite des personnes, ou contraints de devenir soldats », a-t-il exhorté.
Dénonçant « l’indifférence », François a aussi déploré les enfants « tués avant de voir la lumière », dans une condamnation implicite de l’avortement.
Une exhortation à négocier en Ukraine, des appels au dialogue au Proche Orient, en Libye, en Centrafrique, au Soudan du Sud et en RDCongo, ont complété le message « urbi et orbi ».
Le pape a enfin marqué sa solidarité aux victimes d’Ebola, une épidémie qui a empêché ou ralenti les festivités, en Sierra Leone, en Guinée et au Liberia.
A Monvoria, le petit commerçant Isaax Chea, témoigne que, depuis la fin des guerres civiles au Liberia, qui ont fait de 1989 à 2003 quelque 250.000 morts, « c’est le pire Noël qu’on ait connu ».
En Sierra Leone, les rassemblements publics ont été interdits, alors que le confinement de tout le Nord a commencé. Les rassemblements sont aussi interdits à Conakry, capitale de la Guinée.
– ‘Le monde a besoin de tendresse’ –
Dans la nuit de mercredi à jeudi, lors de la solennelle « messe de minuit », François avait demandé aux catholiques de réagir aux conflits par « la douceur », et de répondre au « besoin de tendresse » des personnes en difficulté.
« Comme le monde a besoin de tendresse aujourd’hui! » s’était exclamé le pape argentin.
Noël a été fêté partout dans le monde. En Chine, une métropole de l’est, Wenzhou, connue pour son importante communauté chrétienne, a interdit aux établissements scolaires de célébrer cette fête trop « occidentale ».
A Cuba, les célébrations, longtemps interdites par le régime, se déroulaient dans une atmosphère égayée par un cadeau anticipé: le rapprochement avec les Etats-Unis.
SOURCE : AFP