Le Burkina Faso a rendu hommage mardi à ses « martyrs » et à sa « révolution » qui a balayé fin octobre le président Blaise Compaoré, au cours d’une cérémonie hautement symbolique réunissant, main dans la main, le président et le Premier ministre intérimaires.
Sous un soleil de plomb, plusieurs dizaines de milliers de personnes, dont le président de la transition Michel Kafando et son Premier ministre, le lieutenant-colonel Isaac Zida, étaient rassemblées dans la capitale burkinabè.
Hommages officiel, populaire, militaire: toute la cérémonie a été ponctuée de symboles forts. Au petit matin, six cercueils recouverts du drapeau burkinabè rouge, vert et jaune ont quitté la morgue de l’hôpital de Ouagadougou.
Ils ont été transportés à bord d’un porte-char de l’armée sur la place de la Nation, rebaptisée place de la Révolution, comme à l’époque du capitaine Thomas Sankara, président de 1983 à 1987, tué lors du coup d’Etat qui porta Blaise Compaoré au pouvoir.
Le meurtre du révolutionnaire Sankara, icône du panafricanisme, est considéré par nombre de Burkinabè comme le péché originel du régime de Blaise Compaoré, son ancien frère d’armes.
MM. Kafando et Zida se sont ensuite inclinés devant les six dépouilles, alors qu’on entendait des sanglots de parents de victimes.
– ‘Flambeau de notre lutte’ –
Comme pour sceller l’unité nationale, les milliers de personnes présentes se sont tenues par la main, y compris le président et le Premier ministre de transition, pendant cinq minutes de silence.
« Ils ont donné leur vie pour la Nation. Ils sont morts pour la justice et le bien. Ils sont le flambeau de notre lutte », a déclaré l’aumônier militaire, Paul Dakissaga.
La procession s’est ensuite dirigée vers le cimetière militaire de Goughin, à l’ouest de la capitale, où six victimes ont été inhumées. Une septième doit encore être identifiée avant d’être enterrée.
Au total, selon une enquête officielle, 24 personnes ont été tuées lors des manifestations des 30 et 31 octobre qui ont poussé le président Compaoré à quitter le pouvoir. Les autres victimes tuées lors de l’insurrection ont déjà été inhumées par leurs parents, notamment au cimetière de Goughin.
Plusieurs organisations de la société civile ont exigé « la lumière sur les circonstances de la mort des manifestants » et « l’engagement sans délai de procédures judiciaires appropriées contre Blaise Compaoré et les dignitaires de son régime déchu ».
« Nos enfants, frères et fils sont morts sous les balles assassines de Blaise Compaoré dont les mains sont tachées de sang de burkinabè depuis 30 ans, il faut qu’il réponde devant la justice », a déclaré M. Victor Pouahoulabou, au nom des familles des victimes.
Le président Kafando a déjà élevé les « martyrs » de l’insurrection en « héros nationaux ». Un monument leur sera dédié lors d’une journée nationale d’hommage. Le soulèvement populaire avait été provoqué par la décision de Blaise Compaoré, déjà au pouvoir depuis 27 ans, de faire modifier la Constitution par le Parlement afin de briguer un nouveau mandat à l’élection présidentielle de 2015. Il s’est d’abord exilé en Côte d’Ivoire, puis a gagné le Maroc.
– ‘profil bas’ –
Des centaines de milliers de personnes étaient descendues dans les rues pour protester contre le projet de révision constitutionnelle, poussant l’ex-homme fort du pays à la démission en moins de 48 heures.
La Burkina Faso, pays pauvre du Sahel, ex-colonie française qui depuis l’indépendance en 1960 a connu 48 ans de régime militaire, est dirigé désormais par un binôme militaro-civil, MM. Kafando et Zida, en place pour une période transitoire d’un an.
Et les anciens dignitaires du régime Compaoré sont peu à peu écartés. Cette purge a été entamée sans éclats au palais présidentiel où M. Kafando a pris ses quartiers. Plusieurs conseillers civils et militaires ont été remerciés, notamment le général Gilbert Diendéré, le plus fidèle compagnon militaire du président déchu. Restés dans leur grande majorité dans la capitale, les caciques du pouvoir Compaoré « font profil bas », observe l’analyste politique Siaka Coulibaly.
« L’ancienne majorité, selon lui, n’est pas une menace » pour l’avenir du nouveau Burkina Faso.
SOURCE : AFP