Cuba a annoncé vendredi l’envoi de l’aide médicale en personnel la plus importante d’un Etat pour combattre Ebola, perpétuant ainsi une vieille tradition qui constitue à la fois une arme diplomatique et une source de revenus vitale pour le pays.
Si elles sont bénéfiques pour l’image de Cuba à travers le monde, ces missions médicales ne sont toutefois pas toujours bien accueillies par certains de leurs confrères et des hommes politiques locaux, qui voient d’un mauvais ?il cette intrusion cubaine sur leur territoire.
Depuis 1960, date à laquelle Cuba avait envoyé pour la première fois un contingent de médecins après un tremblement de terre au Chili, le régime communiste des frères Fidel et Raul Castro a dépêché pas moins de 135.000 effectifs médicaux à travers le monde.
Aujourd’hui encore, quelque 50.000 médecins et personnels de santé effectuent des « missions » dans 66 pays d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie, selon le ministère cubain de la Santé.
Vendredi, Cuba s’est de nouveau distingué en annonçant l’envoi en Sierra Leone de 62 médecins et 103 infirmiers, soit la contribution « la plus importante » d’experts de la santé par un Etat depuis que l’épidémie d’Ebola a éclaté en début d’année, selon la directrice générale de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Margaret Chan.
Cette équipe, dont une partie se trouve déjà dans la région, « a une expérience des terrains difficiles », a indiqué à Genève le ministre cubain de la Santé Roberto Morales, précisant quelle commencerait à travailler la première semaine d’octobre pour une durée de six mois.
Depuis la révolution castriste en 1959, mais surtout depuis la chute du bloc soviétique, l’aide dans le secteur de la santé a été l’une des clés de voûte de la diplomatie cubaine, visant généralement les pays en développement et ses partenaires privilégiés.
La diplomatie médicale « a constitué l’essence de la politique extérieure de la révolution depuis ses débuts », relève la chercheuse américaine Julie Feinsilver dans une étude pour l’université de Georgetown.
« Cela a apporté à Cuba un capital symbolique (…) et a constitué un instrument d’acquisition d’un capital matériel considérable (aide, crédits et commerce), comme le démontre l’accord docteurs contre pétrole avec le Venezuela », explique l’experte dans son étude intitulée : « 50 ans de diplomatie médicale à Cuba : de l’idéalisme au pragmatisme ».
– Une manne pour l’Etat cubain –
En 1998, après le passage dévastateur des ouragans George et Mitch dans les Caraïbes, l’île a lancé le programme intégral de santé, qui a permis l’envoi de quelque 25.000 agents de santé cubains dans 32 pays de la région.
En 2004, l’ex-président Fidel Castro – retiré du pouvoir en 2006 pour raisons de santé – et l’ancien président vénézuélien Hugo Chavez ont créé la « Mission miracle », programme de chirurgie oculaire gratuite qui a bénéficié à plus de 2,8 millions de personnes dans 35 pays, selon des sources officielles cubaines.
A partir de 2004, Cuba a commencé à faire payer les pays récepteurs, à commencer par le Venezuela et l’Afrique du sud.
Par ailleurs, les « brigades médicales » ont aidé les victimes de nombreux séismes, d’Algérie au Mexique, en passant par l’Arménie et le Pakistan. Cuba a aussi formé des dizaines de milliers de médecins et infirmiers dans pas moins de 121 pays en développement.
Actuellement, la mission la plus importante – composée de 30.000 agents – se trouve au Venezuela, proche allié de La Havane. Au Brésil, 11.456 Cubains consultent dans des zones délaissées par leurs confrères locaux.
L’exportation de services éducatifs, sportifs et surtout médicaux rapporte chaque année à Cuba 10 milliards de dollars, source de revenus la plus importante devançant largement les envois d’argent de l’étranger et les exportations de nickel.
Si la qualification et le dévouement des praticiens cubains expatriés sont régulièrement salués par l’OMS et d’autres organisations internationales, ils ne sont pas toujours bien vus par les professionnels locaux.
Au Pérou, Brésil et Honduras, en Equateur, Bolivie, et Uruguay, les syndicats professionnels ont déjà pointé du doigt cette « armée en blouse blanche » sous-payée qui impose une concurrence déloyale aux médecins locaux.
Certains hommes politiques ont dénoncé de leur côté cette intrusion cubaine auprès de leur population, les soupçonnant parfois de se livrer au prosélytisme politique. En outre, La Havane est souvent tancée pour accaparer une partie importante des revenus de ces professionnels, comme ce fut récemment le cas au Brésil.
En dépit de ces nombreuses expatriations, Cuba demeure l’un des pays les mieux pourvus du monde, avec 82.065 médecins sur son territoire, soit un pour 137 habitants, selon l’Office national des statistiques (ONE).
SOURCE : AFP
Savoir News, le Journalisme est notre métier