Mgr Nicodème Barrigah : « Ce serait excessif de ma part de parler d’un échec de ce dialogue »

Démarré le 19 mai dernier, le dialogue a pris fin ce mardi, avec un rapport final élaboré en l’absence des principaux partis de l’opposition. Les représentants de l’ANC, de l’ADDI et de la Coalition « Arc-en-ciel » ont claqué la porte, annonçant « l’échec » des débats. Ces derniers n’ont pas participé à l’élaboration du rapport final.
Mgr Nicodème Barrigah, facilitateur du dialogue et ancien président de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR), fait le point des discussions aux micros des journalistes présents.

Question: Que peut-on retenir de ces discussions ?

Mgr Nicodème Barrigah:

Nous venons de terminer ce soir les travaux du dialogue entre partis politiques parlementaires avec l’adoption du rapport final. Conformément à la mission qui nous a été confiée, nous allons remettre le rapport au Premier ministre pour les suites à donner à ce document. C’est un rapport non seulement d’étape, mais un rapport dans lequel nous avons mis les points de discussions, avec ce qui a fait l’objet du consensus et ce qui a fait l’objet de positions divergentes.

Q : Le dialogue a-t-il échoué, selon vous ?

R : Chacun peut apprécier à sa manière. Mais, c’est un dialogue, une étape qui n’a pas permis d’arriver à toutes les conclusions auxquelles les uns et les autres s’attendaient. Mais, ce serait excessif de ma part de parler d’un échec de ce dialogue.

Q : Pourquoi certains (ANC, ADDI, Arc-en-ciel) sont-ils sortis de la salle ?

R : A un moment donné de ce dialogue, lorsqu’il s’est agi de faire le point sur les positions des uns et des autres concernant le mandat présidentiel et le mode de scrutin et qu’on n’avait toujours pas trouvé un consensus, certains partis politiques ont estimé que si on ne parvenait pas à cela, le dialogue n’aurait plus de sens. Et donc, ils n’ont pas voulu signer le rapport un peu comme une protestation par rapport au fait qu’on ne soit pas parvenu à un accord sur des points aussi importants.

Q : Votre mission s’achève-t-elle ou comptez-vous continuer avec la prochaine étape ?

R : Je ne sais pas précisément quelle sera la prochaine étape. J’imagine que suite à ce dialogue, il y aura de la part du gouvernement une réflexion et que probablement à l’Assemblée nationale, il y aura des débats concernant les sujets qui ont fait l’objet des discussions.

Q : En tant que facilitateur, aviez-vous fait des recommandations au gouvernement ?

R : Dans un dialogue, il y a toujours des contacts qu’on noue, des points de vue qu’on partage en marge des activités que l’on mène. J’ai fait part aussi des considérations aussi bien aux partis politiques qu’à tous les acteurs concernés.

Q : Visiblement, les discussions vont finalement se poursuivre à l’Assemblée nationale ?

R : Au fond, je crois que cela a été déjà précisé dès le départ que le dialogue que nous avons mené n’avait pas pour vocation de se substituer à toutes les institutions. Il était convenu que nous devions au sortir de ce dialogue, faire le point sur la situation au gouvernement et indiquer là où convergent les opinions des uns et des autres. C’est au gouvernement d’apprécier, A l’Assemblée nationale de prendre les décisions les plus opportunes.

Q : Au début, vous étiez serein. Repartez-vous avec le même état d’esprit ?

R : Avant de venir au Togo j’étais en Israël. Vous savez depuis combien d’année les palestiniens et les israéliens se retrouvent pour des dialogues. Mais, ils continuent. Les dialogues ne cessent pas, parce on n’a pas pu obtenir en une fois tous les résultats qu’on escompte. Je ne dis pas que la situation du Togo va ressembler à celle de la terre Sainte. Mais, c’est une étape. Je suis venu serein, mais je ne vous cacherais pas que quelque part je suis quand-même déçu parce que je pensais qu’on allait aboutir à quelque chose de plus consensuelle. Mais de là, à dire que je suis totalement déçu ou bien désorienté, je ne le pense pas.

Q : Vous reviendrez si on vous fait encore appel ?

R : Cela dépend de quel appel, de quand et de l’objectif qui est fixé. Evidemment je suis un citoyen togolais et lorsque je suis sollicité, je ne dois pas du tout d’abord penser à ma personne. Parce que je le dis souvent : ma personne compte peu. Pourvu que l’objectif que je poursuis, soit atteint. Tout dépend de ce qu’on me demanderait. Mais, j’avoue quand-même que parfois, il faut un peu de courage pour continuer certaines missions.

Q : D’aucuns vous accusent déjà de ne pas avoir posé de conditions sur l’aboutissement du dialogue avant d’accepter. Que répondez-vous ?

R : Vous savez, lorsqu’on vous approche avec un état d’esprit et que vous ne savez pas encore à quoi aboutiront les démarches que vous entreprenez, vous n’allez pas commencer à fixer des conditions. Au fait, j’ai eu la sensation que cette fois-ci, il y avait un certain accord et que d’ailleurs le timing fixé me laissait penser qu’il y avait déjà un travail fait à la base. Certainement, il y a des choses qui ont connu un débat un peu plus rapide. Mais, de là je ne peux pas conclure que cette exercice a été inutile.

Q : Avez-vous le sentiment d’une mission accomplie?

R : Celle qu’on m’a confiée, je l’ai accomplie. Est-ce que la mission est achevée certainement pas, puisque c’est un processus qui est en cours. S’il y a d’autres missions, je verrai en ce moment-là avec mes autorités la réponse à donner.

Q : Selon vous, qu’est-ce qui rend le problème togolais un peu plus complexe?

R : Il est difficile de donner en un mot, ce qui rend assez complexe le problème togolais. Mais, j’ai comme l’impression que le fait d’avoir pendant longtemps eu des difficultés à dialoguer, cela continue dans une certaine mesure. Je fais souvent la différence entre un débat et un dialogue.
Quand on va à un débat, on veut convaincre celui qui est là comme facilitateur. Mais, quand on va à un dialogue ce n’est pas tant au facilitateur qu’on parle. Ce sont ceux qui sont concernés qui doivent se parler. J’ai parfois l’impression que nous menons les dialogues comme s’il s’agissait d’un débat, comme si on était à la recherche d’une tribune pour exposer le bien fondé de ses points de vue. Au Togo, c’est la caractéristique habituelle des dialogues. Je profite encore pour dire que si on va à un dialogue politique, c’est qu’on doit s’attendre à un cheminement d’ensemble pour trouver un terrain d’entente. FIN

Transcription faite par Sosthène HOUMEY-HAKEH (Stagiaire)

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