Forum national du développement à la Base: « Les choses ont bougé depuis le premier Forum » (Mme Victoire Tomégah Dogbé)

Initié pour la première fois en juillet 2009 et institué dans la foulée par l’Etat togolais, le Forum national des acteurs de développement connaît sa deuxième édition ces 4, 5 et 6 octobre à Kara (nord), l’occasion pour quelque 600 participants issus des quatre coins du pays de faire le bilan des actions de développement à la base menées depuis la mise en route de ce concept nouveau au Togo. Dans cette interview exclusive, nous évoquons l’enjeu de ce forum avec Mme Victoire Tomégah Dogbé, la ministre du Développement à la base.

Question: Quel est l’enjeu de ce deuxième forum national des acteurs du développement à la base?

Mme Victoire Tomégah Dogbé<

/strong>: Il faut noter qu’au moment où nous organisions le premier forum, le ministère venait de naître et n’avait aucun outil de pilotage. C’est vrai qu’il y avait quelques initiatives qui étaient menées ça et là par les partenaires au développement, la société civile, mais il n’y avait véritablement aucun dispositif de coordination et d’harmonisation des outils. Le premier forum avait fait ce constat et souhaité que notre pays dispose d’une véritable politique et qu’il y ait également des mécanismes pour améliorer la mobilisation communautaire et promouvoir le financement des initiatives locales à la base. Cette deuxième concertation nationale va donc permettre de faire le bilan des activités et le point par rapport à la mise en œuvre des recommandations issues du premier forum. Elle permettra également d’échanger sur la politique nationale du développement à la base ainsi que sur les bonnes pratiques en matière d’initiatives locales. Elle intervient certes avec un peu de décalage, mais nous avons tenu à prendre le temps nécessaire pour bien l’organiser et disposer d’un peu plus de matière.

Quelle est justement cette matière?

Mme Victoire Tomégah Dogbé: Aujourd’hui, nous disposons, d’abord au niveau stratégique, d’une lettre de politique et d’orientations stratégiques (LPOS). En septembre 2012, la politique nationale de développement à la base a été validée en conseil des ministres.

Nous avons également établi une agence nationale du développement à la base et disposons d’un avant-projet de loi portant création du Fonds National d’Appui au Développement à la Base. Le décret portant organisation des comités de développement à la base est également disponible ainsi que des manuels de formation ont été édités avec l’appui de Plan Togo.

Sur le plan opérationnel, nous avons initié et coordonnons un certain nombre de projets et programmes. Je citerai le PSAEG qui a été par la suite amplifié en ce qui concerne l’accès aux microcrédits à travers des conventions de partenariat avec des IMF, le programme plateformes multifonctionnelles, le programme PRT, le programme de promotion du volontariat national et des projets d’entreprenariat et d’insertion des jeunes. Je citerai également le programme des Communes du Millénaire en partenariat avec le système des Nations Unies, le Projet de Développement Communautaire avec la Banque Mondiale, le programme de mise en œuvre des infrastructures communautaires et tout un programme de restructuration et de redynamisation des CDB. Tout récemment, un programme de développement communautaire en faveur des quartiers vulnérables de Lomé a été lancé fin août dernier.

Donc, nous pouvons nous rendre compte que les choses ont bougé. Les quelques initiatives que nous avons lancées ont produit des résultats que nous aurons l’occasion de partager avec tous les acteurs de développement à la base : les responsables au niveau préfectoral, les services déconcentrés de l’Etat, les chefs traditionnels, les comités de développement à la base, les groupements, les ONG, le secteur privé et les partenaires au développement, les institutions de micro finance.

Principal sujet d’intérêt à ce forum : Comment mettre en place une stratégie de développement endogène et inclusif des communautés à la base dans la lutte contre la pauvreté ?

Mme Victoire Tomégah Dogbé<

/strong>: Il s’agit de réfléchir à comment assurer ce développement endogène et quelles en sont les astuces. Pour y arriver, nous avons prévu quatre communications. La première portera sur les fondements et les orientations de la stratégie de croissance accélérée et de promotion de l’emploi avec comme fondamental, la promotion d’un développement participatif, équilibré et durable. La deuxième sera centrée autour de la politique nationale du développement à la base, la troisième sur la mobilisation communautaire et la quatrième communication abordera les questions de financement du secteur. Tous ces thèmes meublent bien évidemment la stratégie à mettre en place.

Le développement doit être centré sur les besoins fondamentaux des communautés. Tout part de l’Homme, tout passe par lui et tout revient à lui. Les communautés doivent être capables d’exprimer leurs besoins fondamentaux, établir leurs priorités et mobiliser les moyens pour les mettre en œuvre. Ces communautés constituent les premières ressources et compétences à mobiliser. Elles doivent être capables de constater par elles-mêmes les changements intervenus dans leur quotidien et de l’exprimer. Si l’on le comprend ainsi, on peut facilement mettre en place des stratégies de développement de services de base, de création de richesse en se basant sur les forces et les potentialités de chaque localité. Les principes clés qui sous-tendent cette stratégie sont la participation citoyenne, la responsabilité, l’autonomisation, la finance inclusive et la synergie d’actions.

Votre département s’est doté en septembre dernier, il y a quelques jours donc, d’une politique nationale de développement à la base qui fera également l’objet de ce forum. Parlez-nous-en.

Mme Victoire Tomégah Dogbé: Nous voulons absolument saisir l’occasion de ce forum pour parler de la politique nationale de développement à la base (PNDB) qui vient d’être élaborée et validée, et exposer toutes les forces en termes de mobilisation communautaire et d’initiatives locales qui existent.

Il faut rappeler que nonobstant les progrès réalisés par le gouvernement togolais, il apparaît que la situation de la pauvreté reste toujours préoccupante dans notre pays. Face à une telle situation, le gouvernement a exprimé sa volonté de mettre en œuvre une politique pro-pauvre de proximité qui prend en compte les besoins réels exprimés par les populations et de s’attaquer aux déséquilibres régionaux qui sont de nature à amplifier la pauvreté et les inégalités. Le gouvernement considère par ailleurs le développement à la base comme une voie complémentaire du processus préparant progressivement le pays à entrer durablement dans la dynamique de la décentralisation. La prise en compte de toutes ces considérations a abouti à l’élaboration de la politique nationale de développement à la base dont l’horizon moyen et long terme (2013-2016) pour commencer, cadre mieux avec l’ampleur et la profondeur des problèmes à résoudre.

L’objectif visé par cette politique est de contribuer à la réduction de la pauvreté à travers l’amélioration de l’accès des communautés et des organisations à la base au minimum vital commun en les dotant de capacités institutionnelles, techniques et financières suffisantes pour concevoir, mettre en œuvre et gérer de manière participative des initiatives leur permettant une auto-prise en charge. De façon spécifique il s’agira d’accroître les revenus des populations à la base et de promouvoir la réduction des déséquilibres régionaux. Pour ce faire, un programme national de développement à la base est proposé et organisé autour de quatre composantes à savoir le renforcement des capacités à la base, la valorisation des potentialités productives locales, l’amélioration des infrastructures de base et la promotion des filets sociaux.

Quelle place accordez-vous aux communautés à la base dans ce débat ?

Mme Victoire Tomégah Dogbé: On ne peut pas parler de développement à la base sans donner la parole aux communautés. Mais il faut d’abord qu’elles soient organisées et mobilisées. Et nous avons, aujourd’hui, des outils qui permettent à ces communautés de savoir comment s’organiser, comment procéder à un diagnostic participatif, comment établir un plan d’actions villageois; bref jouer un rôle plus actif et plus déterminant dans le processus de développement qui les concerne.

Nous avons donc beaucoup d’acquis en termes de maillage systématique du territoire par les comités de développement à la base et des acquis méthodologiques et opérationnels en matière de renforcement des capacités de ces structures que nous souhaitons partager..

Nous prêterons une oreille attentive aux attentes des participants et leur donnerons plus l’occasion pour des échanges d’expériences. Ce qui leur permettra certainement de repartir avec des exemples concrets d’initiatives qui ont réussi.

Quels résultats attendez-vous au sortir de ce forum ?

Mme Victoire Tomégah Dogbé: Au sortir de ce forum, nous attendons que la politique du développement à la base soit bien partagée par tous les acteurs. Nous pensons également que ce serait l’occasion pour tous les participants d’évaluer les programmes et projets qui sont mis en œuvre par le ministère et recueillir l’avis des participants pour voir comment on peut réajuster ces programmes dont ils sont les premiers bénéficiaires. Ce qui nous permettra d’en tirer les leçons pour améliorer si possible ce qui est entrain d’être fait et nous donner les moyens de créer les conditions pour que chaque communauté dispose d’un minimum vital commun: c’est la santé, l’alimentation, l’éducation, l’énergie, l’eau potable, un environnement sain et protégé. C’est aussi avoir la possibilité de disposer de revenus nécessaires pour accéder à ces services sociaux de base.

Vous savez, le ministère initie pas mal d’actions, mais il y a également d’autres structures qui prennent des initiatives. Ce sera donc l’occasion de comparer les différentes approches et de les harmoniser. Nous allons également nous assurer que les actions prioritaires, telles que nous les avons proposées dans le programme national de développement à la base, sont partagées et recueillir des propositions pour les améliorer. Nous espérons aussi obtenir un consensus national sur les conditions et les modalités de mise en œuvre de la politique nationale de développement à la base.

Quel sera le rôle de l’Agence nationale d’appui au développement à la base (ANADEB) que vous avez mise sur pied tout récemment dans la conduite de ces actions ?

Mme Victoire Tomégah Dogbé: L’Agence nationale de développement à la base a été mise en place pour opérationnaliser la politique nationale de développement à la base. C’est une agence qui a démarré ses activités il y a quelques mois après la validation du décret l’instituant et qui travaille déjà sur tout un programme de mise en place d’infrastructures sociocommunautaires. Cette agence est également chargée de mettre en place le Programme de Développement Communautaire pour les quartiers vulnérables de Lomé. A travers elle, nous mobiliserons davantage de ressources et développerons des synergies avec toutes les autres structures qui opèrent sur le terrain.

Je voudrais saisir l’occasion pour remercier son Excellence, Monsieur le Président de la République pour son impulsion personnelle et ses orientations dans la conduite de nos missions, et les ministères sectoriels pour leur leur coopération.

Mes remerciements vont à nos partenaires, notamment le PNUD et toutes les autres agences du Système des Nations Unies, Plan Togo, la Banque Mondiale pour leur appui multiforme, à la Banque Africaine de Développement qui travaille déjà avec nous sur la thématique de l’emploi des jeunes et qui est le partenaire clé pour l’organisation de ce forum. Je n’oublie pas les institutions de micro finance, les ONG partenaires, le secteur privé, qui ont tous compris qu’il faut accompagner des actions de développement à la base. Je voudrais saluer enfin l’engagement de toutes les communautés à la base pour leur mobilisation. FIN

Propos recueillis par Erick KAGLAN.

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