Disparue fin septembre dernier des suites d’un cancer à l’âge de 71 ans, la Kényane Wangari Maathai, prix Nobel de la paix en 2004 pour son engagement en faveur de l’environnement, continue de séduire plus d’un à travers le monde, notamment au Togo, où un de ses inconditionnels, Rose Boba Balouki (photo), tente de s’approprier son combat à Pagouda (préfecture de la Binah, région de la Kara), ceci à la faveur du Projet de Développement Communautaire (PDC), qui prévoit le reboisement d’espaces communautaires.
Allure mince mais robuste, taille d’environ 1m75, Rose Boba Balouki est native de Pagouda où elle réside avec sa petite famille. Agée de 41 ans, cette mère de quatre enfants est une passionnée de la nature. C’est d’ailleurs cette passion qui la conduira à travailler avec l’ONG CAP-EJR (Complexe Agro Pastoral Echo des Jeunes Ruraux) spécialisée dans l’environnement dans la Binah. Une structure auprès de laquelle elle acquerra beaucoup d’expérience sur les notions de protection de l’environnement.
« Quand j’étais encore plus jeune, la nature de notre milieu était très jolie. Je me souviens encore, il y a vingt ou trente ans, de toutes ces verdures que l’on pouvait observer pendant une bonne partie de l’année aussi bien sur nos plaines que sur nos montagnes. C’était merveilleux et très attirant. Mais aujourd’hui, c’est un désastre », constate cette férue de la nature, visiblement attristée. La verdure qui couvrait la région de Pagouda a progressivement laissé place à un environnement desséché et dépourvu d’arbres. Les quelques-uns qui sont encore debout ont perdu la presque totalité de leur feuillage.
« Les gens ont anarchiquement abattu les arbres ici. Ce qui fait que la nature a perdu de sa beauté », déplore Rose. D’après ses explications, la pratique qui s’est généralisée à Pagouda consiste à se servir du bois pour préparer du « Tchoucoutou » (une boisson locale à base de mil très prisée) et faire la cuisine.
« On en vend également, même si c’est à très faible échelle », indique-t-elle. L’autre pratique très répandue, poursuit Rose, consiste à se débarrasser des grands arbres sous prétexte que leur ombre ne favorise pas la culture des ignames, de l’arachide, du sorgho, du vouanjou.
« Les gens se voient donc dans l’obligation d’éliminer les arbres soit par des feux de brousse, soit en les coupant carrément. Finalement, notre environnement s’est desséché au fil des années. Pour moi qui suis éprise de la nature et qui ai vu comment les choses étaient auparavant, cela m’est difficile à supporter. Bref, c’est un drame », affirme la brave dame.
« Pire, des problèmes de pluviométrie commençaient à découler de cette malheureuse situation », ajoute-telle.
Heureusement que quelque chose viendra mettre du baume au cœur de Rose: le Programme de Développement Communautaire qui prévoit le reboisement des espaces communautaires à travers son volet forestier Financé par la Banque Mondiale et mis en œuvre par le Secrétariat Technique du PDC, les Agences d’Appui aux Initiatives de Base (AGAIB), et l’Office de Développement des Eaux et Forêts (ODEF), placés sous la tutelle du ministère du développement à la base, le volet forestier du PDC vise à réhabiliter l’environnement et réduire la vulnérabilité de la population rurale face aux conséquences de dégradation des sols. Le but final étant de restaurer et valoriser les forêts détruites par les populations. Ce projet a été mis en œuvre dans plusieurs localités du pays dont Pagouda.
Compte tenu de ses expériences acquises dans le domaine et surtout de son dévouement pour la cause environnementale, Rose Balouki sera retenue comme chef d’équipe du site de reboisement des terres communautaires de son milieu. Il ne lui appartenait plus qu’à faire appel à son sens du leadership.
« Dès que j’ai été désignée pour être le chef d’équipe du site de reboisement, j’ai eu des séances de travail avec les acteurs de la communauté. Ce qui nous a permis de recruter des travailleurs. Des listes ont été ouvertes et les jeunes se sont inscrits pour les opérations. L’idée était de permettre que les jeunes aient les mêmes chances dans la communauté en participant aux travaux de reboisement. Depuis lors, de grands espaces ont été reboisés chez nous », se réjouit-elle.
« Nous avons eu des problèmes de pluviométrie ces trois dernières années. Il y a eu moins de pluie. Donc les gens ont pris conscience des effets néfastes du déboisement et ils s’engagent désormais à réparer le tort qu’ils ont causé à la nature », poursuit-elle. Parallèlement, le projet permet à Rose Balouki de gagner sa vie et de s’occuper de sa famille.
« Avec ce projet, nous avons pu gagner quelque chose pour scolariser nos enfants. D’habitude, nous vendons d’abord les récoltes pour avoir de petits sous afin de scolariser nos enfants, et dans ces conditions, il est souvent difficile de payer les frais de scolarité à temps. Mais avec la mise en œuvre de ce projet, j’ai pu obtenir de l’argent +cash+ », se vante-t-elle.
Entre autres plants mis en terre, l’on note des tecks, du kayah, de l’albizzia, du dalbergia, du cassia, de l’acacia, de l’anacardier, et du néré.
« La mise en œuvre de ce programme m’a permis d’aller vers la communauté et d’échanger avec elle. Les gens retiendront demain que quelqu’un du nom de Rose, les a encouragés à restaurer leur végétation. Je pense que les gens me voient comme la Wangari Matthai de Pagouda, parce que franchement notre nature était désespérée et il fallait suivre les pas de cette grande dame pour permettre à notre environnement de retrouver sa beauté », affirme Rose.
« Je sens que la communauté est fière de ce qu’on a fait, et qu’il y a un début de changement de comportement », poursuit-elle avant de conclure, confiante que « notre végétation retrouvera sa beauté dans quelques années ».
Au titre du volet forestier, plus de 716 hectares de terre communautaires et de forêts d’Etat ont été reboisés par les jeunes des différentes communautés pour la première campagne allant de juin à septembre dernier. Chaque jeune a pu percevoir la somme de 54.000 F CFA au bout de 40 jours d’activités.
Le montant de la rémunération transférée aux jeunes s’élève à 243 millions de F CFA, soit au total environ 395 millions de F CFA investis dans les travaux HIMO (volet non-forestier y compris) avec une participation de plus de 8.500 jeunes sur un total de 25.000 prévus par le projet au bout de trois.
Ce programme triennal démarré en 2011 s’inscrit dans la stratégie de réduction de la pauvreté initiée par le gouvernement togolais en faveur des communautés vulnérables, avec pour objectif de contribuer à l’amélioration de leurs revenus et conditions de vie. FIN
De Pagouda, Erick KAGLAN
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