Interview exclusive de Mme Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson de la Convention Démocratique des Peuples Africains (CDPA, opposition)

Candidate malheureuse à la présidentielle de mars 2010 et première femme à se présenter à un scrutin présidentiel au Togo, Mme Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson de la Convention Démocratique des Peuples Africains (CDPA, opposition) est l’une des grandes figures de l’opposition togolaise. Courageuse et très combative, Mme Adjamagbo-Johnson n’hésite pas à donner son point de vue, ainsi que celui de son parti sur des sujets d’actualité brûlante.

La naissance du parti politique « UNIR », les prochaines échéances électorales, ainsi que le projet de code électoral examiné par le gouvernement sont des sujets qu’elle a abordés avec l’Agence Savoir News dans une interview exclusive.

Savoir News : Le cercle des partis politiques s’est agrandi depuis le 14 avril dernier, avec la naissance de l’Union pour la République (UNIR), suite à la « dissolution » du Rassemblement du Peuple Togolais (RPT, le parti au pouvoir). Quelle appréciation faites-vous de cette nouvelle formation politique ?

Mme Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson Nous prenons acte tout simplement de la naissance de ce parti politique. Nous pensons que la dissolution du RPT vient un peu tard, parce que vous n’êtes pas sans savoir que la dissolution du RPT – parti unique – avait déjà été décidée à la conférence nationale souveraine. Et lorsqu’il s’est agi de mettre en œuvre cette décision, le Haut Conseil de la République a rencontré une opposition très forte. Et cela a été l’occasion pour les tenants du RPT de mettre toute la ville à feu et à sang. Nous aurions pu épargner notre peuple de ces maux.

Savoir News : D’aucuns ont qualifié cette dissolution d’ »acte historique ».

Mme Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson :<

/strong> C’est un évènement dont nous prenons acte. Comme je l’ai dit tantôt, nous verrons dans quelle mesure ce parti aura vraiment joué un rôle dans l’enracinement de la démocratie au Togo. La création d’un parti en soi, ne peut pas être considérée comme un évènement historique. Nous verrons si ça correspondant véritablement à une rupture ; si la présence sur l’échiquier politique de ce nouveau parti, apporte véritablement quelque chose de nouveau au pays.

Savoir News : Est-ce un évènement ou un non-évènement ?

Mme Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson Ce n’est pas un non-évènement. Nous en prenons acte.

Savoir News : A la clôture du congrès de Blitta, le chef de l’Etat Faure Gnassingbé a jeté quelques grandes lignes de la vision de ce parti. Il appelé les congressistes à l’ »ouverture », la « vraie ouverture ». Qu’avez-vous ressenti lorsque vous avez suivi Faure Gnassingbé sur les médias d’Etat ?

Mme Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson <

/strong> C’est bien de prôner l’ouverture. C’est une bonne chose, mais nous jugerons sur pièce. Donc nous attendons les actes que le chef de l’Etat va poser. Et nous faisons observer que le gouvernement au lendemain de la création de ce parti, a engagé de manière unilatérale, un processus d’adoption d’un projet de code électoral. Pour nous, que le gouvernement essaie d’avancer de manière unilatérale, est en contradiction avec l’esprit d’ouverture qui est prôné et avec la rupture dont on parle au peuple togolais. Un esprit d’ouverture voudrait que justement, on s’assure véritablement que le projet de code électoral qui sera envoyé à l’Assemblée nationale soit un projet vraiment consensuel. Nous voyons déjà une contradiction, un indicateur qui nous interpelle, qui nous amène à nous poser des questions.

Savoir News : Mais la mission d’observation de l’Union européenne a fait ses recommandations au lendemain des législatives d’octobre 2007. Comment la classe politique (parti au pouvoir et opposition) s’est-elle arrangée pour qu’on arrive à cette situation ?

Mme Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson : Nous pensons qu’il y a des responsabilités à plusieurs niveaux. Le premier niveau de responsabilité incombe au chef de l’Etat et au gouvernement. La CDPA l’a dit en septembre 2011. Je crois bien, nous avons fait une conférence de presse pour interpeller le chef de l’Etat et le gouvernement en leur faisant comprendre qu’il était temps que les réformes sur lesquelles nous nous étions entendues, soient opérées. On ne nous a pas vraiment écoutés. En tout cas, c’est seulement quelques mois après qu’il y a eu un début de réaction.

Ensuite, il faut être honnête et reconnaître que l’Assemblée nationale a aussi une part de responsabilité, les partis politiques plus précisément, parce que leur rôle, c’est de doter le pays des lois dont il a besoin. A la CDPA, nous avons fait ce qui était de notre devoir. Nous avons tiré la sonnette d’alarme, nous nous sommes montrés disponibles pour participer à toutes discussions concernant les réformes. Nous pensons qu’il n’est pas trop tard, on peut encore redresser les choses, s’il y a une volonté politique de part et d’autre.

Savoir News : L’expérience a montré que chaque fois qu’une situation se présente, chacun essaie de tirer le drap de son côté, surtout dans le rang de l’opposition. La situation actuelle a même poussé certains observateurs de la scène politique togolaise interrogés par l’Agence Savoir News à se demander si l’opposition et le pouvoir n’ont pas conclu un « deal » pour mettre chaque fois, les populations dans la même situation : élections-contestations-violences ?

Mme Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson : Je pense qu’il faut faire preuve de discernement. Je l’ai dit tantôt : le premier comptable du devenir de ce pays, c’est le chef de l’Etat et son gouvernement. Les partis politiques qui ont été élus à l’Assemblée nationale ont aussi une responsabilité.

Vous savez, le rôle que l’opposition extra-parlementaire peut jouer, c’est de tirer la sonnette d’alarme. Nous avons, en ce qui nous concerne à la CDPA, fait ce que nous avons pu. Nous avons interpellé, de manière informelle comme de manière formelle, les acteurs politiques concernés au premier plan. Il faut reconnaître qu’ils n’ont pas pris leurs responsabilités.

Savoir News : Avez-vous au moins attiré l’attention de vos « amis » de l’opposition qui siègent à l’Assemblée nationale ?

Mme Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson :<

/strong> Absolument. Nous l’avons fait dans des cadres informels. Et nous nous demandons à ce jour, ce qui constituait le blocage. Nous pensons que c’est une erreur qui a été commise, le fait que les élus de notre Assemblée nationale, notamment les élus de l’opposition n’aient pas eu l’initiative de faire des propositions de loi.

Savoir News : Pensez-vous qu’on a encore le temps ? Qu’est-ce qu’il faut faire ?

Mme Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson Le temps, on l’a toujours, quand on veut. Je pense que vous faites allusion à la clause de la CEDEAO qui interdit que des réformes interviennent six mois avant des échéances électorales dans un pays. Sur ce plan, ce qui est important, c’est l’esprit de cette disposition qu’il faut suivre. Et ce que la disposition interdit, c’est des initiatives unilatérales qui seraient prises par un parti politique qui se sentirait fort pour vouloir, de lui-même modifier les règles du jeu de façon à ce qu’elles soient à son avantage.

Ce qu’il faut faire aujourd’hui, c’est d’avoir le courage de réunir très rapidement, non seulement la classe politique, mais aussi la société civile. Il faut consulter large, consulter rapidement, consulter sérieusement pour qu’on s’entende sur les dispositions consensuelles à mettre dans le prochain code électoral. Je vous rappelle que presque tous les partis politiques ont fait connaître leur point de vue. On connaît la position des uns et des autres, de sorte qu’aujourd’hui, on sait de quel côté se situe le consensus. On sait aussi que la CVJR a fait un certain nombre de propositions en matière de réformes électorales. Tous les ingrédients sont là, la base est là. Il suffit seulement de mettre les gens ensemble pour discuter et que des différentes positions, nous puissions sortir un consensus. FIN

Propos recueillis par Junior AUREL

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