Ouvertes samedi dernier à Kpalimé (environ 120 km au nord de Lomé), les audiences publiques, privées et à huis clos de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) se sont achevées ce mercredi, a constaté un envoyé spécial de l’Agence Savoir News.
Au total 49 dossiers ont été examinés par la Commission. Ces dossiers sont relatifs aux violences intercommunautaires suivies de déplacements de populations, aux abus d’autorité orchestrés lors de différentes consultations électorales par des militants de partis politiques, aux interventions excessives des éléments des Forces Armées Togolaises (FAT), aux agressions physiques et à la chefferie traditionnelle.
Pour ce mercredi (dernier jour de ces audiences à Kpalimé), 12 auditions dont deux 2 en privé ont été enregistrées par la CVJR.
Elles sont consacrées notamment aux violences électorales de 2005, aux problèmes de chefferie traditionnelle à Kpélé Goudévé et à Danyi Elavagnon, au déplacement de populations originaires du sud, de Sotouboua vers Kpalimé, ainsi qu’à divers abus d’autorité et violations des droits humains.
S’agissant des violences de 2005, les témoins et victimes ont fait le récit d’arrestations et de détentions arbitraires, d’usage excessif d’armes à feu par les militants de partis politiques, mais aussi par les forces de l’ordre et de sécurité. Ils ont regretté qu’ils aient été violentés sans motif ou en raison de leurs convictions politiques.
Ils ont exprimé le souhait d’une meilleure organisation des consultations électorales afin d’éviter les heurts et violences et recommandé la formation citoyenne des Togolais pour l’appropriation de leurs droits et devoirs en période électorale.
En ce qui concerne les problèmes de chefferie traditionnelle, les témoignages ont révélé la récurrence des affaires de spoliation de trônes dans le grand Kloto qui alimentent rancœurs et querelles entre les familles des divers prétendants. Il en résulte une contestation permanente de la légitimité de certains chefs de canton.
Quant au déplacement vers Kpalimé de populations originaires du sud installées à Sotouboua, il s’agit d’une conséquence des événements de Bodjé survenus en 1992. Redoutant des affrontements avec les déplacés de Bodjé, ces populations, malgré les exhortations des autorités administratives et politiques, ont préféré regagner leurs lieux d’origine.
Toudji Afi, commerçante a indiqué que son mari a été arrêté depuis 2005 et n’a pas été jugé jusqu’à présent : « il est toujours en prison et je constate qu’il est mal traité ».
« Il a été arrêté en juillet 2005, alors qu’il dormait dans sa chambre. Le jour de son arrestation, il a été bien frappé, avant d’être menotté et embarqué. Le lendemain, je l’ai cherché partout. Et c’est un ami qui m’a informé qu’il était gardé à la prison civile de Lomé », a-t-elle raconté.
Kliou-Mensah Yéhouegnon, maçon, a de son côté, révélé les exactions dont il a été victime, après le vote d’avril 2005: « Les gendarmes sont rentrés dans notre maison et ont frappé tout le monde. Ils ont saccagé tous les biens. Nous avons été victimes de ces violences, le fait que notre propriétaire est un militant de l’UFC ».
Pour Kpenla Pakayi, cultivateur dans un village non loin de Kpalimé, nommé Kpimé-Agoté, son fils qui faisait le Lycée de Lavié a été tué par balles, alors qu’il avait remorqué son petit frère sur une moto.
Quant à Adzadé Améssépé, enseignant à Kpélé Goudév, son témoignage est lié à un problème de chefferie. Issus de la famille royale dans le village de Kélé Goudévé, ils ont été dépossédés de tout, suite à des rivalités politiques entre politiques entre le CUT et les Progressistes.
A l’analyse de tous ces cas, la CVJR a encouragé tous ceux qui reconnaissent leur culpabilité et prônent l’esprit de pardon pour une réconciliation sincère ici dans la région des Plateaux-Ouest, théâtre de nombreuses violences politiques et intercommunautaires.
Elle a exhorté ceux qui hésitent encore à reconnaître leurs torts, à faire acte de contrition, étant entendu que le pardon est la seule voie pour le triomphe de la justice transitionnelle.
La Commission a rappelé que tous les témoignages recueillis dans les 20.011 dépositions seront pris en compte y compris ceux des 1.115 dépositions de la région des Plateaux-Ouest pour adresser des recommandations au gouvernement.
La CVJR a exprimé ses remerciements aux populations qui se sont déplacées pour témoigner ou assister aux audiences, aux autorités administratives, aux médias et aux Organisations de la Société civile.
La gratitude de la Commission va également à toutes celles et à tous ceux qui nous ont accueillis et facilité notre séjour à l’étape de Kpalimé.
Une fois encore, la CVJR a tenu à rappeler que c’est à la lumière des différentes informations fournies par les différents intervenants au cours des audiences (publiques, in caméra et privées) ainsi que des rapports de ses investigations, qu’elle fera l’attention du peuple togolais dans le sens de l’apaisement.
Après Kpalimé, les membres de la CVJR se rendront une fois encore à Lomé où ces audiences se déroulement du 7 au 17 novembre.
Les audiences de la CVJR sont consacrées à la recherche de la vérité sur les violences électorales et autres violations des droits de l’homme qui sont survenues dans notre pays entre 1958 et 2005 dans le cadre des séances publiques, à huis clos et privées qui donnent la parole aux victimes, témoins et aux auteurs présumés.
Rappelons que la CVJR est l’émanation d’un processus lié à la quête de la concorde nationale susceptible de permettre au Togo de panser les séquelles de ses développements historiques conflictuels. Elle a pour mission de déterminer, à travers un rapport circonstancié et détaillé, les causes, l’étendue et les conséquences des violations des droits de l’Homme et les violences qui ont secoué les fondements de la communauté togolaise de 1958 à 2005.
Elle doit, in fine, proposer des mesures susceptibles de favoriser le pardon et la Réconciliation.
Le Togo a été, secoué par une série de violences, notamment lors des scrutins présidentiels.
De Kpalimé, Nicolas KOFFIGAN
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