Ouvertes samedi dernier à Kpalimé (environ 120 km au nord de Lomé), les audiences publiques, privées et à huis clos de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) se sont poursuivies ce lundi avec 20 témoignages dont trois en privé, a constaté un envoyé spécial de l’Agence Savoir News.
Les témoignages ont porté notamment sur les violences consécutives à la présidentielle de 2005, des violences liées à d’autres consultations électorales antérieures, ainsi que des cas divers d’abus d’autorité.
S’agissant des consultations électorales et particulièrement de la présidentielle de 2005, les victimes et témoins, qu’ils soient de la mouvance présidentielle ou de l’opposition, ont relaté les opérations de répression menées par les forces de l’ordre ainsi que les violences sociopolitiques qui les ont opposés après la proclamation des résultats. De leurs témoignages, on retient que le maintien de l’ordre et les affrontements entre militants ont été caractérisés par: des brutalités physiques, des arrestations, des détentions arbitraires et des assassinats en raison des convictions politiques; des destructions de biens meubles et immeubles, précédées ou suivies de pillages et saccages; des intimidations et divers abus de pouvoir exercées par des citoyens et des personnalités compte tenu de leurs positions et de leurs privilèges politiques.
Par ailleurs, la Commission a écouté des cas d’abus d’autorité dont un lié aux engagements politiques d’un chef traditionnel. Selon sa version des faits, il aurait été spolié de son trône par suite de son refus de renoncer à ses convictions politiques contraires aux orientations du pouvoir en place en 2003.
A la fin de leurs auditions, les victimes et témoins, qu’ils soient proches du parti au pouvoir ou de l’opposition, ont souhaité que: des mesures soient prises pour éviter dorénavant toute exaction lors des consultations électorales à venir; la cohabitation pacifique des militants de différents partis politiques soit vivement encouragée au nom de la réconciliation ; les structures administratives et préfectorales et les dossiers détruits lors des violences politiques soient réhabilités pour satisfaire les besoins des administrés.
Quelques témoignages
Konté Watarma, ancien sous-préfet de Kpélé-Akata et membre du RPT a révélé qu’il a subi des exactions au cours de la présidentielle d’avril 2005 à Adéta et c’est par miracle qu’il a pu fuir cette localité pour Témédja.
« Tout a commencé le lundi 25 avril 2005. Je revenais à Kpalimé. Arrivé au carrefour d’Adéta, j’ai vu des jeunes qui manifestaient. J’étais obligé de rebrousser chemin, mais ces jeunes m’ont poursuivi. Le jour de la proclamation des résultats, ces jeunes ont tout saccagé dans mon bureau. Le bâtiment de la préfecture a été brûlé et le chef brigadier de la police tué à coups de manchette. J’étais obligé de me réfugier dans la brousse. Et c’est la nuit que j’ai pris la route pour Témédja », a-t-il raconté.
Tsétsé Akouvi Akofa, commerçante a déclaré que sa localité n’a pas été également épargnée par les troubles lors de la présidentielle d’avril 2005 : « C’est dans ces violences que mon fils a reçu de balle. Mais grâce à certaines volontés, la balle a été extraite ».
« A Danyi Bassapé, c’est l’opposition qui avait gagné. Après la proclamation, les membres du RPT ont voulu faire une marche. Les jeunes de l’opposition se sont opposés. Les forces de l’ordre sont arrivées sur les lieux et ont commencé à tirer à balles réelles. Mon fils qui revenait de l’école a reçu une balle. Un autre a succombé sur le champ. Tous les chemins venaient vers l’hôpital étaient bloqués. Alors, on était obligé de passer par la brousse pour évacuer l’enfant y compris d’autres blessés vers Kpalimé. Mon fil a été par la suite rapatrié au Ghana où on lui a extrait la balle. Nous avons fait quatre mois au Ghana. De retour, j’ai constaté que toute ma marchandise a été saccagée », a-t-elle indiqué.
Ameseko Kossi Senyo, n’a pas caché son amertume, lorsqu’il évoquait la mort de son petit frère, agent des forces de l’ordre, tué par des milices de l’opposition à Adéta: « Il était maréchal des logis à Kpélé-Adéta. Il a été pris à partie par des certains jeunes, alors qu’il était appelé d’urgence à la gendarmerie. Ils l’ont frappé jusqu’au dernier souffle ».
Après Analyse de tous ces témoignages :
La CVJR a déploré les exactions de certains militants de partis politiques et les réactions disproportionnées des forces de l’ordre lors des consultations électorales. Elle a rappelé que tout Togolais est libre de militer au sein du parti de son choix et que nul ne doit être inquiété pour son appartenance partisane.
La Commission a encouragé les uns et les autres à la tolérance et à la mesure dans la manifestation de leurs convictions politiques.
Au nom du pardon et de la réconciliation, la CVJR a appelé les victimes à ne pas privilégier l’esprit de vengeance, malgré les souffrances subies. Elle souhaite la main tendue des uns vers les autres pour le renforcement de l’esprit du pardon et de la réconciliation.
« C’est à la lumière des informations fournies par les différents intervenants au cours des audiences (publiques, in camera et privées) ainsi que des rapports de ses investigations, qu’elle fera ses recommandations finales à l’attention du peuple togolais dans le sens de l’apaisement », a souligné la CVJR.
Ces audiences reprennent mardi avec des dossiers en privé ou à huis clos.
Mercredi, les audiences publiques vont se poursuivre et seront consacrées aux violences sociopolitiques de 2005.
Rappelons que les audiences de la CVJR sont consacrées à la recherche de la vérité sur les violences électorales et autres violations des droits de l’homme qui sont survenues dans notre pays entre 1958 et 2005 dans le cadre des séances publiques, à huis clos et privées qui donnent la parole aux victimes, témoins et aux auteurs présumés.
De Kpalimé, Nicolas KOFFIGAN
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