Les audiences publiques et privées de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) ont effectivement démarré ce jeudi à Sokodé (environ 375 au nord de Lomé), après la cérémonie protocolaire, présidée par Mgr Nicodème Barrigah-Benissan, le président de ladite Commission, a constaté un envoyé spécial de l’Agence Savoir News.
C’est l’hôtel central de Sokodé qui a servi de cadre à cette cérémonie à laquelle ont pris part les autorités locales et un grand public.
L’audience publique de ce jeudi sera consacrée aux événements liés aux troubles sociopolitiques de 1991 marqués par des violences intercommunautaires dans la région centrale et la région des Plateaux, notamment dans les localités de Bodjé, Médjé, Blitta, Sotouboua et qui ont abouti à des déplacements massifs de populations.
« Si nous voulons remonter de l’abîme de nos conflits il faut accepter d’unir nos forces dans l’humilité, la sincérité et le pardon. Au cours de cette étape de la région centrale, fidèle à sa mission, la CVJR, va donner la parole aux victimes, aux témoins ainsi qu’aux auteurs présumés ayant marqué leur consentement pour écouter leurs témoignages dans des séances publiques, à huis clos ou privées, selon le choix des protagonistes et en conformité avec le protocole élaboré par la CVJR.
D’autre part, nous donnerons la parole aux personnes physiques ou morales mises en cause dans les témoignages, et qui manifesteront leur désir d’user de leur droit de réponse en vertu des dispositions réglementaires qui encadrent les audiences », a déclaré Mgr Barrigah-Benissan.
Selon lui, la CVJR a pu, depuis le démarrage des audiences, le 7 septembre 2011, « mesurer toute la complexité et la délicatesse de cette phase opérationnelle ainsi que les risques qui y sont attachés, notamment celui de raviver les blessures et de réveiller les rancœurs. Elle demeure cependant convaincue qu’au-delà des exigences du droit de savoir, les audiences ont surtout une forte vertu pédagogique ».
« Comment, en effet, pourrions-nous compatir à la douleur de l’autre si nous ne savons rien des souffrances qu’il a subies et dont les traumatismes le tourmentent encore? Comment l’auteur présumé pourrait-il mesurer toute la portée du mal qu’il a commis s’il n’écoute pas le cri du cœur de celui qui a souffert ? Comment la victime, à son tour, pourrait-elle pardonner réellement du fond de son cœur, si elle ne perçoit pas un minimum de repentir de la part de l’auteur présumé ? Comment enfin pourrions-nous nous mobiliser pour déraciner le mal, si nous n’en connaissons pas les causes ? », s’est longuement interrogé le Prélat.
« La réconciliation est le couronnement d’une démarche longue et exigeante qui consiste à voir dans les adversaires d’hier des frères et sœurs de demain appelés à partager le même combat de la paix et de l’unité », a-t-il poursuivi.
« Ce chemin ardu », a précisé Mgr Barrigah-Benissan, passe « nécessairement par le cœur de l’homme puisque c’est là que se prennent les décisions de vérité, de justice, d’accueil de l’autre, de contrition et de pardon ».
« Pour notre part, malgré les obstacles intérieurs et extérieurs qu’il faut encore lever, avec patience et persévérance, pour avancer vers le but, nous avons foi que ce processus, s’il est mené dans la sincérité, contribuera à nous unir davantage au service de notre nation. Que la grâce de Dieu nous y aide », a-t-il ajouté.
Le préfet de Tchaoudjo, Tchemi Tchebi Tchakro a de son côté, salué le « professionnalisme » dans le travail de la CVJR.
« L’occasion de ces audiences publiques constitue une opportunité thérapeutique pour se libérer de toutes les pesanteurs des amertumes et donc pour se décompresser afin de se soulager de ces fardeaux », a affirmé le préfet, avant de souligner: « la réconciliation passe par le pardon et aujourd’hui l’occasion est donnée à la population d’aller à une vraie réconciliation nationale, gage de paix et de développement ».
Ces audiences prendront fin à Sokodé le 12 octobre. Elles se tiendront chaque jour de 8H à 10H30, de 11H à 14H00 et de 15H à 18H00.
Les audiences sont consacrées à la recherche de la vérité sur les violences électorales et autres violations des droits de l’homme qui sont survenues dans notre pays entre 1958 et 2005 dans le cadre des séances publiques, à huis clos et privées qui donnent la parole aux victimes, témoins et aux auteurs présumés.
En rappel, la CVJR est l’émanation d’un processus lié à la quête de la concorde nationale susceptible de permettre au Togo de panser les séquelles de ses développements historiques conflictuels. Elle a pour mission de déterminer, à travers un rapport circonstancié et détaillé, les causes, l’étendue et les conséquences des violations des droits de l’Homme et les violences qui ont secoué les fondements de la communauté togolaise de 1958 à 2005.
De Sokodé, Nicolas KOFFIGAN
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