Journée encore très chargée ce vendredi pour la Commission Vérité, Justice et Réconciliation qui a poursuivi ses audiences publiques et privée à l’Hôtel Dapaong (environ 650 km au nord de Lomé), a constaté un envoyé spécial de l’Agence Savoir News.
Au total neuf témoins et victimes des incidents de Barkoissi, des déplacements forcés des populations pour cause des aires protégées, des cas de persécution de militants pour leurs convictions politiques différentes de celles du pouvoir, des privations de droits humains, ont été auditionnés ainsi qu’une victime des violences de 2005.
Des écrans géants étaient placés dans la salle d’audiences et à l’extérieur, afin de permettre au grand public de vivre l’évènement.
A l’ouverture de ces audiences, une délégation du ministère de l’environnement et des ressources forestières a présenté, dans une déclaration, des éléments de réponse à l’invitation à témoigner sur la faune.
Après avoir présenté les objectifs de la création des parcs nationaux et des réserves de faune, le département en charge de l’environnement a reconnu la gestion répressive entre 1980 et 1990, des répressions qui se sont traduites par le déplacement des populations, des brimades corporelles, l’incendie de villages, des pertes de produits agricoles et en vies humaines.
Le département a déploré les dérages de certains des agents de terrain surtout ceux venus d’autres corps que celui des Eaux et Forêts, puis a recommandé des mesures devant contribuer à l’apaisement des populations locales qui ont subi des exactions au nom de la protection de la faune sauvage, afin de parvenir au pardon et à la réconciliation.
Les témoignages, moments d’intenses émotions
Les neuf personnes qui ont témoigné ont fait cas notamment des violences qu’elles ont subies dans leurs différentes localités, soit pour appartenance politique suivi des fois d’emprisonnement, de tortures ou de violence corporelle ou physique de toute sorte ou de licenciement abusif et d’intimidation.
Selon Kombate Yendoumane, 74 ans, c’est depuis 1963 que son calvaire à commencé avec des arrestations et emprisonnement abusifs, suite au coup d’Etat de cette année. Ce qui sera suivi par une autre arrestation en 1970, où il a été affamé pendant plus de 5 jours à la prison de Lomé avant d’être envoyé à la prison de Mango.
« On m’avait accusé d’avoir participé à un coup d’Etat que devrait organiser le feu commandant Tépé. En ce moment je travaillais dans l’administration. J’ai été licencié puis torturé tout d’abord à la prison de Lomé puis à celle de Mango. J’ai été obligé après de me cacher et devenir l’agriculteur que je suis jusqu’à présent. Je ne le dis pas pour me venger, mais pour le vrai pardon. J’ai subi des exactions, mais je le dis pour que cela ne se passe plus dans la vie politique de notre pays et que nos enfants ne vivent plus cette situation », a-t-il indiqué.
Nayao Mama, a quant à lui déclaré avoir été persécuté lors de la présidentielle de 2005. Selon lui, après la proclamation de l’élection, il était dans sa maison lorsqu’il a aperçu des milices armées de fusils qui tiraient sur les citoyens appartenant à l’UFC (parti d’opposition). C’est dans cette situation trouble qu’il a été criblé de balles.
« Ma maison a été mise à feu. Mes sacs de maïs brûlés, alors que je venais d’être payé par la SOTOCO pour mon coton. Tout l’argent également brûlé. Les milices m’ont poursuivi et ont tiré sur moi. C’est dans ma fuite que j’ai été atteint d’une balle sur ma joue droite, fracassant du coup mes dents et déchirant ma langue. J’ai été soigné par la suite par les tradithérapeutes qui ont réussi à me retirer la balle. Les milices viennent du quartier de Djabou. Tout ce que je veux dire, c’est que ce quand on a le pouvoir, tout n’est pas permis. Je pardonne », a-t-il souligné.
Mibiba Monoudjaba a pour sa part, révélé que dans sa localité, un village proche de Bogou, non loin du chef lieu Tandjoare, il était interdit de réunion parce qu’il est connu pour son appartenance à l’UFC. Il a donc subi des exactions et violences venant de son chef canton (décédé) qui a recruté des jeunes pour lui faire du mal.
« Il m’avait interdit d’organiser de réunions. J’étais surveillé tous les jours par des jeunes recrutés pour la circonstance. J’ai été plus fois arrêté. Si j’ai perdu beaucoup de mes dents, ce n’est pas parce que j’ai vieilli, mais parce qu’on suffisamment giflé. J’ai reçu des soufflets sur mes joues, si bien qu’aujourd’hui, je ne vois plus bien. Ils ont interdit à mes enfants d’aller à l’école. Je pense que cela ne se répétera plus », a-t-il précisé.
S’il ya une autre révélation qui a ému l’assistance, c’est bien celle de Konga Tchao, journaliste à la Radio Kara, qui a été abusivement licencié en 1997 par le directeur actuel de cette station, parce qu’il appartenait à l’UFC.
Poursuite des audiences samedi
Les audiences se poursuivent samedi avec les événements de 2005, et autres affaires sur requête, en privé et à huis clos.
Les audiences sur requête, en privé et à huis clos et l’audience de synthèse se tiennent de 8H à 10H30 ; de 11H à 14H00 et de 15H à 18H00.
Les audiences publiques, privées et à huis clos de la CVJR doivent se dérouler à Dapaong, Kara, Sokodé, Atakpamé, Tsévié, Aného, Kpalimé, et Lomé.
Les audiences sont consacrées à la recherche de la vérité sur les violences électorales et autres violations des droits de l’homme qui sont survenues dans notre pays entre 1958 et 2005 dans le cadre des séances publiques, à huis clos et privées qui donnent la parole aux victimes, témoins et aux auteurs présumés.
Rappelons que la CVJR est l’émanation d’un processus lié à la quête de la concorde nationale susceptible de permettre au Togo de panser les séquelles de ses développements historiques conflictuels. Elle a pour mission de déterminer, à travers un rapport circonstancié et détaillé, les causes, l’étendue et les conséquences des violations des droits de l’Homme et les violences qui ont secoué les fondements de la communauté togolaise de 1958 à 2005.
De Dapaong, Nicolas KOFFIGAN
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