La tension est palpable, une fois que l’on descend à Gléi, une ville située à plus de 120 kilomètres de Lomé, la capitale. Les jeunes regroupés par groupes de 15 ou 20 dans les coins de la ville discutent de ce qui s’est passé il y a déjà trois jours. Certains curieux ne quittent pas des yeux, les boutiques saccagées et pillées. Les explications divergent sur les causes réelles de ces actes de vandalismes.
Pour certains jeunes, les Adjas du Bénin grands détenteurs du monopole du commerce des denrées alimentaires dans la ville et de la vente du carburant « boudè », sont à l’origine de l’assassinat d’un fils Ifè de la localité qui exerce aussi dans ce commerce illicite de carburant.
Mais pour le chef canton, Aladji Kokou Akomédji VIII et les gendarmes en fonction à Gléi, c’est une haine sociale qui a engendré ces actes de pillage et d’agression sur les Adja du Bénin habitant cette localité il y a des trentaines d’années.
En effet, à la suite de l’assassinat de Augustin Akakpo par une bande armée au cours de son trafic de carburant, deux jeunes Adja ont été interpellés par la gendarmerie de Notsè, soupçonnés d’être les commanditaires de l’assassinat du jeune trafiquant. En l’occurrence, le soudeur Sossa Raphael et le dépanneur Glikpawoé Assou, tous deux d’ethnie Adja.
Cette arrestation a sonné, selon les jeunes de la ville, le début des pillages des boutiques et maisons des Adja dans la ville. Les jeunes ont saccagé pillé et brûlé plus de 4 voitures des Adjas dans la ville.
Bilan des violences: 18 boutiques, 6 maisons saccagées et pillées, plus 4 voitures appartenant aux commerçants ont été brûlés.
Ce qui a plus revigoré les jeunes dans le pillage des boutiques, c’est la découverte dans le coin d’un des commerçant Adja d’un objet rond sur lequel est imbibé abondamment du sang. Est-ce du sang d’animaux ou d’un être humain ?
Les jeunes sont catégoriques : « C’est du sang humain ». Mais le chef canton ne se reconnaît pas dans cette réponse.
Une visite dans les 6 maisons saccagées, brûlées et pillées, montre la gravité des actes de vandalismes. Les naco des fenêtres sont complètement brisées, les portes brisées ou enlevées, les habits des propriétaires sont soient brûlés ou emportés.
L’une des chambres visitées puent du sang. C’est là selon les habitants qu’est déposé le fameux gri-gri de tête humaine, qui a accentué l’ardeur des jeunes à piller.
Les chambres des maisons sont vides de leurs propriétaires. Les Adja ont tous fui Gléi.
« Il y a quelques temps ont a constaté dans cette ville la disparition tout azimut des enfants. Ce sont ces Adja qui ont tué nos petits frères. Ils font de l’argent avec certaines parties du corps humain. Ils sont les crésus de la localité. Ils n’ont plus la protection de leur gri-gri. On les a eus. Sinon comment peut-on comprendre que les jeunes sont allés jusque-là. Cela ne s’est jamais passé ici. Le malheur ne vient jamais seul. Tout d’abord, les jeunes voulaient se venger de la mort de leur frère, après l’arrestation de deux Adja soupçonnés responsables du meurtre. Dans la vengeance, les jeunes ont découvert la tête d’une jeune fille dans l’angle de la chambre à coucher d’un autre présumé meurtrier. C’est ce qui a accentué plus le pillage. Cette tête se trouve chez le chef canton », explique longuement Kodjo, un jeune faisant parti du groupe des pilleurs.
Même son de cloche chez Ayébadjè, un autre jeune qui trouve qu’à quelque chose malheur est bon.
« On ne savait jamais que ces Adja tuaient en cachette nos petits frères. Si ce n’est pas l’assassinat d’Augustin et l’enquête diligentée par la gendarmerie de Notsè, on ne saurait jamais. Même, on nous dit qu’il y a un avant-bras qui a été découvert dans la même chambre où la tête a été trouvée », déplore-t-il.
Par contre, si Ayéfounin, jeune lycéen de la localité a participé au pillage des boutiques et maisons des Adja, ce n’est pas par haine contre eux, mais c’est parce qu’ils ont assassiné un digne fils du milieu.
« Tout le monde sait que le monopole du trafic de carburant ici appartient aux Adja Béninois. Mais lorsque le jeune Augustin a commencé ce commerce, bien qu’illicite, il a acheté des motos Taxis à des jeunes qui ne font rien et deux voitures de transports. Plusieurs jeunes ont basé leur projet sur lui et voilà qu’on l’a bêtement assassiné », s’indigne-t-il.
Mais au niveau du palais cantonal de Gléi, la réaction est tout autre. Le chef canton déplore cette situation et pense que la loi doit être appliquée.
« Je suis un chef pour tous et non pour les gens de mon ethnie ou de ma famille. Un de mes neveux fait partie des jeunes qui ont pillé, il n’a qu’à assumer. Les Adja ont toujours vécu en parfaite harmonie avec nous ici. Quand on parle de tête de femme, je te dis que c’est faux. C’est une boule de gri-gri, mais ce n’est pas une tête humaine », s’explique-t-il en se levant pour nous montrer la boule dans un sachet qui ressemble à une tête imbibée de sang.
« Les jeunes ont volé tout dans les boutiques. Ils ont pris jusqu’au matelas, lits et autres. Certains ont pris des postes téléviseurs d’autres des fauteuils. C’est déplorable qu’il n’ y avait pas assez de gendarmes », se lamente-t-il.
Même les gendarmes en faction dans la ville pensent que ce n’est pas question de meurtre qui a créé ces pillages, mais plutôt une haine sociale.
« Plusieurs jeunes qui ont agi ne font rien. Cela a été une occasion pour eux de voler les Adja qu’ils considèrent comme des étrangers, mais riches. Nous avons pris nos dispositions et tout se passe bien », affirme un des responsables de la gendarmerie qui a requis l’anonymat.
La tension reste toujours palpable à Gléi. Aucun Adja ne vit plus dans cette ville. Ils ont été chassés de force par les jeunes, sous les yeux du chef canton qui est resté impuissant face à la furie de ceux-ci.
Mais, diligenter une enquête pour mettre de l’ordre dans la ville serait utile à tous.
De retour de Gléi, Nicolas KOFFIGAN
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