Assis à table, Edokun Boganlou, 42 ans, déguste avec ses trois enfants et son épouse, un bon plat de foufou, accompagné de sauce d’arachide.
« Depuis quelques mois, nous mangeons le foufou au moins quatre fois par semaine. C’est le plat préféré de notre famille. Parfois, nous invitons des amis, surtout le week-end », confie Edokun Boganlou, employé dans une institution financière à Lomé.
Ce dernier a acquis en janvier dernier, le +foufoumix+, la machine à foufou, une belle invention du togolais Jules Minsob Logou. A l’instar de M.Boganlou, plusieurs ménages et restaurants ont adopté cette machine.
Le foufou est de l’igname bien pilé. Il est surtout caractérisé par une consistance et une élasticité spéciale qui lui confère un certain goût à la consommation.
Dans plusieurs pays de la sous-région ouest-africaine — notamment au Togo, au Bénin, en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Nigeria, au Niger, au Mali et au Burkina Faso — le foufou est l’un des mets très prisés. Il est souvent accompagné de sauces graine, d’arachide, de légumes, de mouton ou d’agouti.
De nos jours, plusieurs grands restaurants installés dans certaines capitales en Afrique sont spécialisés dans ce mets, en raison de la demande de plus en plus forte.
« Depuis environ trois ans, nous avons inséré le foufou dans nos menus, car certains clients en font tellement la demande. Certains clients viennent spécialement pour manger du foufou », souligne Mme Solange Vigandossou, employée au restaurant Vivotin à Cotonou. « Chez nous, il y a certains +blancs+ qui apprécient ce mets, surtout avec la sauce d’arachide ou d’agouti », renchérit Kossigan Houdjo, gérant du restaurant Odyssée à Lomé.
L’igname est souvent pilée dans un mortier à l’aide de pilons. Attention : sa préparation est une véritable +corvée+ : Bien découpée et cuite dans une marmite, l’igname est ensuite pilée à l’aide de pilons par plusieurs personnes autour d’un seul mortier. Le nombre de pileurs, varie en fonction de la quantité d’igname dans le mortier.
La plupart du temps, la préparation du foufou est confiée aux femmes. Mme Adiza Noudira, l’une des femmes qui pilaient le foufou au Fufu Bar-Restaurant à Lomé, confie : « piler du +foufou+ dans le mortier nécessite beaucoup d’effort physique. Je l’ai fait pendant au moins 8 ans. A la fin de la journée, on est complètement cassé ».
« La nuit, il arrive des moments où je ne pouvais pas satisfaire mon mari, en raison de la fatigue. Je sentais des courbatures partout », affirme Mme Mazalo Batchati, une autre ancienne pileuse au Fufu Bar-Restaurant, qui possède depuis 6 mois, le foufoumix.
Le +Foufoumix+, la machine qui a « révolutionné » la préparation du foufou
Petit robot de cuisine qui fonctionne à base de l’énergie électrique, le +foufoumix+ permet aujourd’hui, de faire rapidement, discrètement et sans effort physique du foufou. Composée de deux petites palettes fixées sur un axe rotatif qui malaxent les morceaux d’igname jusqu’à l’obtention d’une pâte homogène, cette machine est une invention du togolais Jules Minsob Logou, électronicien âgé de 38 ans.
« J’ai entamé mes recherches quand j’étais en classe de seconde. J’ai d’abord réalisé le dessin avec une petite maquette à l’image du pilon et du mortier, car déjà en classe de 3ème, j’avais une forte maîtrise du dessin technique », se souvient M.Logou.
« Au début, le résultat n’était pas satisfaisant. Mais, après huit années de recherches, j’ai pu réaliser le tout premier modèle de +foufoumix+. Aujourd’hui, nous avons plusieurs modèles sur le marché. Un autre modèle encore plus perfectionné, sera officiellement présenté au public en octobre prochain », dévoile le jeune inventeur.
La technique traditionnelle d’obtention du foufou est pénible et incommodante. Elle use particulièrement et en majorité les femmes, qui sont le plus souvent responsables de la pilée.
« Nous avions, entre-temps, cessé de manger le foufou, car sa préparation fait appel à beaucoup d’énergie physique et nous épuisait. Mais depuis que nous avons acheté la machine, ce mets est revenu dans nos assiettes et nous le mangeons régulièrement », se réjouit Mme Afiwa Hogbéla, revendeuse de tissu pagne au grand marché de Lomé.
Le foufoumix offre également des conditions hygiéniques de préparation du foufou, selon des spécialistes en santé.
« La plupart du temps, le foufou est pilé dans des mortiers souvent mal entretenus. Nous les rangeons dans des coins sales et nous ne les lavons pas correctement avant de piler notre foufou. En plus, il n’est pas rare de voir des femmes toutes en sueur autour du mortier quand elles pilent le foufou », explique Koffi Dotto, médecin dans un centre de santé privé à Tsévié, localité située à environ 35 km au nord de Lomé.
« Il y a également des débris des pilons ou des mortiers (toujours fabriqués en bois) qu’on retrouve souvent dans le foufou. Je vous avoue que le foufoumix a vraiment révolutionné la préparation du foufou. C’est une grande fierté pour notre continent qui regorge de jeunes talents. Il suffit seulement de les suivre et de les accompagner », suggère-t-il.
Fabriquée en deux modèles, cette machine est fortement sollicitée sur le marché : le modèle des ménages vendu à 250.000 F.CFA (381,12 euros), et celui des professionnels, notamment les restaurants à 300.000 F.CFA (457,35 euros).
« Sur le marché, la demande dépasse largement l’offre. Pour couvrir le marché ouest-africain, je dois produire au moins 15 millions de foufoumix, soit un investissement de plus de 500 millions de F.CFA (762.245,09 euros).
Pour le moment, la production est estimée à environ 700 machines, faute de moyens financiers. Actuellement, je suis à la recherche d’investisseurs », indique M. Logou.
M.Logou enlève le deuxième Prix de l’Innovation pour l’Afrique/édition 2014
Le Prix de l’Innovation pour l’Afrique (PIA) récompense les innovations excellentes qui valorisent le potentiel africain dans les cinq domaines suivants : Agriculture / agro-industries, environnement, énergie et eau, Santé et bien-être, Technologies de l’information et de la communication (TIC), Industrie manufacturière et services.
M.Logou a reçu le 5 mai 2014 à Abuja (Nigeria), le deuxième prix dans la catégorie de la meilleure innovation à finalité commerciale, soit un montant de 25.000 dollars US pour son Foufoumix.
Le jeune togolais faisait partie des 10 candidats retenus sur 700 dossiers de 42 pays d’Afrique. Le chef de l’Etat togolais Faure Gnassingbé, l’a « félicité » dans un courrier personnel.
« Vous avez remporté le deuxième prix de l’innovation à l’échelle du continent africain pour le compte de l’année 2014 (…). J’en ai été informé et je tiens à vous présenter mes vives et chaleureuses félicitations », avait écrit le président togolais. FIN
Ambroisine MEMEDE A.
Agence Savoir News (www.savoirnews.net)