Politique: Interview exclusive de Christophe Tchao, président du groupe Parlementaire UNIR (au pouvoir)

Les réformes politiques, prévues par l’Accord Politique Global (APG, signé depuis août 2006), constituent le principal sujet qui divise la classe politique (pouvoir et opposition). Sur l’échiquier politique, deux partis politiques, l’Union pour la République (UNIR, au pouvoir) et l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC, principal parti de l’opposition) s’affrontent et chacun campe sur sa position.

L’Agence Savoir News a approché Christophe Tchao, le président du Groupe parlementaire UNIR à l’Assemblée nationale. Principal sujet abordé : les réformes politiques.

Savoir News : Comment se porte aujourd’hui le parti UNIR ?

Christophe Tchao : Le parti se porte très bien. Beaucoup de togolais se demandent si le parti fonctionne, surtout qu’il n’y a pas de congrès. Je voudrais rassurer les uns et les autres, surtout les militants et sympathisants que le parti UNIR se porte très bien. Il y a un travail de fond qui se fait, ce qui nous permettra de relever les insuffisances et les ratées, afin de les intégrer dans la nouvelle conception qui est en train d’être mise en place. Un congrès se tiendra bientôt et les gens verront qu’on s’est vraiment bien préparé.

Quand est-ce que ce congrès sera tenu ? Peut-on avoir une petite idée ?

Non. Le moment viendra où tout le monde sera fixé. Les préparatifs se poursuivent pour la bonne tenue de congrès.

Prévues par l’Accord Politique Global (APG), les réformes politiques piétinent et d’aucuns pointent du doigt UNIR et l’ANC. Comment expliquez-vous cette situation ?

En réalité, les réformes ne piétinent pas. La plupart des points prévus par l’APG ont été exécutés par le gouvernement. Je ne voudrais pas rentrer dans les détails. Aujourd’hui, — pour aller plus vite — le problème tourne plutôt autour de la limitation du mandat présidentiel et le mode de scrutin (deux tours). Au niveau de notre parti, nous n’avons jamais dit que nous sommes opposés à ces réformes. Mais, nous souhaiterions simplement qu’il y ait un consensus.

Vous savez très bien qu’il y a eu ces derniers temps, plusieurs dialogues (dont Togo Télécom 1 et 2), mais qui n’ont pratiquement rien donné, faute de consensus.

Même constat enregistré à l’Assemblée nationale sur le texte envoyé par le gouvernement et qui fait le compile des discussions de Togo Télécom 1 et 2.

Nous nous sommes entendus sur certains points, mais les discussions ont achoppé sur la limitation de mandat et le mode de scrutin. Et c’est notamment sur la limitation du mandat présidentiel, qu’il n’y a pas eu consensus entre UNIR et ANC. Car, dans les discussions (puisqu’il y a un débat général, avant l’étude particulière du texte), l’ANC a estimé qu’il faut prendre en compte les mandats déjà effectués par le chef de l’Etat (de 2005 à 2015).

Pour nous, la loi doit être impersonnelle, pour permettre à tous les togolais, quel que soit leur bord politique, de compétir, une fois qu’ils remplissent les conditions. Du coup, les discussions sont bloquées.

Nos amis de l’ANC nous ont demandé de leur montrer la disposition de la constitution qui précise qu’il faut un Consensus en matière de réformes. Or l’APG a bien précisé qu’en matière de réformes, il faut le consensus.

Par ailleurs, les Évêques dans leur lettre pastorale, ont appelé toutes les formations politiques à rechercher le consensus. La Cédéao, dans son protocole, exige le consensus. Tous nos partenaires (Union européenne, États-Unis etc..) ont demandé à la classe politique de rechercher le consensus. Sans consensus, nous ne pouvons pas avaler tout dru, les propositions de l’ANC. Voilà le blocage et qui fait qu’aujourd’hui, …. nous avons de difficultés pour opérer les réformes au niveau de l’Assemblée nationale.

Ce n’est un secret pour personne et vous-mêmes, vous venez de le souligner, le seul point qui cloche: c’est la limitation du mandat présidentiel. Sur ce point, que veut le parti UNIR ?

Le gouvernement a mis en place une commission de réflexion sur les réformes constitutionnelles et institutionnelles. Donc cela veut dire que ces réformes constituent une préoccupation majeure, jusqu’au plus haut niveau.

Et l’avantage de cette commission, c’est qu’elle regroupe toutes les sensibilités et compétences. Et elle est actuellement à pied d’œuvre. Etant députés du parti au pouvoir, nous préférons attendre cette commission finir son travail.

Donc, nous avons estimé que la proposition de loi introduite pouvait être ajournée, en attendant l’arrivée du texte de cette commission qui nous sera transmis à l’Assemblée nationale. Ainsi, nous verrons si les propositions de l’ANC ont été prises en compte par la commission, pour y introduire des amendements.

Pensez-vous que l’ANC peut facilement accepter cette proposition (ajournement de la proposition de loi), car apparemment le débat ressemble à un jeu de ping-pong ?

Nous sommes obligés de nous entendre. Nos partis politiques pris individuellement, ne peuvent pas seul, opérer ces réformes. Car pour le faire, la constitution exige les 4/5 des députés à l’Assemblée nationale.

Nous sommes donc obligés de trouver un consensus, afin d’obtenir les 4/5. Si on ne s’entend pas, on ne pourra rien faire.

Est-ce qu’il vous arrive souvent d’analyser les stratégies de vos +amis+ de l’ANC ?

Oui. L’ANC est prise à son propre piège en raison des propos que tiennent les responsables devant leurs militants. Devant leurs militants, les réformes doivent entraîner automatiquement le départ de Faure Gnassingbé. Pour nous, il faut remettre le compteur à zéro.

Aujourd’hui, l’ANC est obligée de respecter l’opinion de la rue, compte tenu des promesses que les responsables de ce parti ont faites à leurs militants. Ce qui est très dangereux dans les discussions que nous menons actuellement.

Mais pour bon nombre d’observateurs, la constitution « toilettée » en 2002 est automatiquement entrée en vigueur. Pourquoi pas pour les réformes à venir ?

Mais justement, il y avait un consensus. En plus, la loi a été immédiatement appliquée. Elle n’était pas rétroactive. Donc, c’est la rétroactivité de la loi qu’il faut aujourd’hui combattre, car c’est contraire à la pratique que nous observons dans la sous-région. Pourquoi chercher à nous singulariser en créant une entorse à ce qui se fait autour de nous.

La seule chose recherchée aujourd’hui pour opérer les réformes: c’est le « consensus ». Faut-il faire appel à une médiation internationale ?

Sans la volonté politique de discuter et de trouver un consensus, la médiation ne pourra pas faire du miracle.

Avez-vous vraiment espoir que les deux camps (ANC et UNIR) se retrouveront un jour pour discuter franchement et trouver ce consensus ?

Ça viendra. Et c’est obligatoire. Nous avons cette obligation pour une sérénité dans ce pays, pour qu’il y ait la paix, afin que les gens puissent vaquer librement à leurs occupations. Alors, nous avons le devoir de rechercher ce consensus pour opérer les réformes tant attendues par les populations.

La balle est dans le camp des deux partis. Quel appel avez-vous à l’endroit de vos collègues de l’ANC ?

Ils doivent faire violence sur eux-mêmes, afin d’éviter la volonté de la rue. Il faut expliquer à la rue, qu’en matière politique, qu’il y a certaines exigences, notamment la recherche du consensus pour faire des pas en avant.

Il faut éviter de se figer sur sa position, pour faire plaisir à la rue. Mais j’ai bon espoir que ce consensus viendra. FIN

Propos recueillis par Junior AUREL

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