Niger: Renvoi au 15 janvier du procès d’un opposant accusé de trafic de bébés (PAPIER GÉNÉRAL)

Le procès pour trafic d’enfants présumé de l’ex-président du Parlement du Niger devenu le principal opposant au président Mahamadou Issoufou a été renvoyé pour des questions de procédure dès son ouverture vendredi en l’absence de l’accusé en fuite et qui crie au complot politique.

Le juge du tribunal correctionnel de Niamey a renvoyé au 15 janvier la suite du procès de Hama Amadou jugé par contumace, et d’une vingtaine d’autres co-accusés, dont son épouse, qui comparaissaient libres après cinq à six mois de détention.

La dizaine d’avocats de la défense ont soulevé des objections, mettant notamment en cause la compétence du juge pénal à juger le dossier sur le fond.

Après une interruption de séance, le juge a renvoyé l’affaire au vu « de la qualité des pièces, et des éléments de droits fournis ».

Issus des milieux politiques, économiques ou militaires nigériens, les prévenus sont notamment accusés de « supposition d’enfant » dans le cadre d’un trafic régional. Ce délit, qui consiste à attribuer la maternité d’un enfant à une femme qui ne l’a pas mis au monde, est passible de deux à huit ans de prison.
Le présumé délit a été commis au Nigeria voisin, a remarqué un avocat de la défense, Me Mossi Boubacar. « Est-ce que vous avez, M. le juge, une décision de justice devenue définitive d’une juridiction du Nigeria comme le prévoit la loi? », a-t-il demandé.

« Il n’y a pas de victime, il n’y a pas de plaignants, même le Nigeria n’a pas porté plainte », avait soutenu un autre avocat, Me Souley Oumarou.

L’épouse de M. Amadou, Hadiza, avait pris place dans le box des accusés, les yeux dissimulés derrière des lunettes de soleil. A ses côtés, le ministre de l’Agriculture, Abdou Labo, et son épouse, ainsi qu’un colonel d’armée et son épouse.

Le palais de justice de Niamey avait été placé sous haute surveillance et tout le périmètre a été bouclé par la police qui filtrait les entrées pour ce procès qui a pris une dimension politique dans ce pays du Sahel, parmi les plus pauvres du monde.

– Un procès ‘politique’? –

Le climat s’est en effet tendu depuis que Hama Amadou est passé en août 2013 à l’opposition au président Issoufou, dont il avait permis l’accession au pouvoir en avril 2011 grâce à une alliance de second tour.

Pour ses partisans, M. Amadou est désormais devenu le principal adversaire du chef de l’Etat pour l’élection présidentielle de 2016.

L’ancien patron du Parlement, déjà remplacé à la tête de l’institution, avait précipitamment quitté le Niger fin août, après que les députés aient autorisé son audition par la justice dans l’affaire de trafic de bébés. Un mandat d’arrêt a ensuite été émis à son encontre en septembre.

Depuis la France, M. Amadou n’a de cesse de dénoncer « un complot » du régime.

« Cette action présumée de trafic d’enfants, aucun élément n’a été fourni pour l’étayer (…) C’est un dossier politique comme les autres », s’est-il défendu.
Son parti, le Mouvement démocratique nigérien (Moden), accuse le pouvoir de chercher à « abattre Hama ».

La majorité défend fermement le bien-fondé de la procédure judiciaire.
« Fermer les yeux, c’est ça qui aurait été politique », a répliqué le ministre de la Justice Marou Amadou. Pour lui, « ce dossier est un dossier de droit commun » et « n’est donc pas politique ».

– ‘Usines à bébés’ –

L’affaire a par ailleurs mis en lumière le phénomène des « usines à bébés », sortes de cliniques privées accueillant des femmes enceintes avant de vendre leurs bébés. Ces « usines » sont régulièrement démantelées au Nigeria, grand voisin au sud du Niger.

Le « réseau » sur lequel le tribunal correctionnel de Niamey doit se pencher « concerne plutôt des femmes ou leurs époux qui n’arrivent pas à avoir d’enfants et qui ont recours aux trafiquants », a expliqué à l’AFP une source judiciaire.

Une trentaine de bébés, dont des jumeaux, sont concernés par ce trafic entre le Nigeria, où ils ont été conçus par des mères anonymes, le Bénin par où ils transitent, et le Niger où ils ont été emmenés, a précisé cette source.

Le parquet de Niamey assure disposer d' »indices » qui prouvent que les « infractions sont établies », grâce à un « travail laborieux et méticuleux » mené dans ces trois pays.

Pour Nouhou Arzika, un acteur de la société civile, « la procédure d’instruction a été normale ». Mais l’affaire a vite pris une tournure très politique.

SOURCE : AFP