Annie Ferret : « Mes liens avec le continent africain sont aussi en partie liés à des livres comme ma vie reste liée aux livres de toute façon »

Agrégée de lettres modernes, Annie Ferret a enseigné pendant dix ans avant de renoncer à l’enseignement pour se consacrer à l’écriture.

Dans son livre « Des villes et des hommes », Annie évoque l’Afrique à travers trois villes dont Lomé. Elle faisait partie de la caravane littéraire qui a sillonné le pays, du 26 février au 04 mars dernier. A travers une interview accordée à Savoir News, elle nous parle de son écriture et de ses liens avec le continent africain.

Savoir News: Comment travaillez-vous? Peut-on parler d’inspiration nécessaire pour pouvoir écrire?

Annie Ferret: Je n’emploierai pas le mot « inspiration » pour parler de mon travail. Je crois profondément, mais il n’y a aucune originalité à dire cela, que l’écrivain n’écrit qu’avec ce qu’il est profondément, comme tout autre créateur ne crée qu’avec ce qu’il a profondément en lui également.

Mais, cela n’a rien à voir avec une vérité donnée ou une quelconque inspiration. Disons qu’il y a comme un crible et que l’expérience personnelle, ce qu’on est, ce qu’on vit, ce qu’on lit et ce qu’on partage, est d’une certaine manière « trié » et constitue une matière qu’on le veuille ou non. Sans doute on travaille à partir de cette matière. On tente d’en faire quelque chose. Ce n’est peut-être pas toujours réussi, mais au moins c’est conscient…

Combien d’œuvres avez-vous à votre actif ?

J’ai publié trois recueils de contes, un recueil de nouvelles et un roman Des Villes et des hommes aux éditions Proximité avec François Nkemé à Yaoundé. Que ce soit dans les contes, les nouvelles ou le roman, l’univers est chaque fois très différent.

Quels messages véhiculez-vous dans vos livres ?

Là encore, je crois que je ne parlerai pas de « messages », au sens où ce que j’ai à dire et envie de dire ne relève pas de ce qu’on appelle une parole engagée… humainement si, bien sûr, il y a un engagement humain. J’aime les petits, les destinées ordinaires, pas forcément sordides ou misérables, mais du moins simples, et j’aime voir comment les destinées ordinaires prennent place dans un monde plus complexe qui les dépasse.

J’aime donner des voix et expérimenter une capacité de sentir et de réfléchir peut-être légèrement différente de la mienne. Je crois que c’est pour ça qu’on a envie d’essayer de donner vie à des personnages… la difficulté restant d’y parvenir bien sûr…

Votre roman « Des villes et des hommes » parle de trois villes africaines : Bamako, Ouagadougou et Lomé. Ont-elles une importance particulière ? Qu’ont ces trois cultures en commun?

Dans ce roman, je voyage dans trois villes qui ont une importance personnelle pour moi, surtout Bamako et Lomé, parce que le Mali et le Togo sont les pays où j’ai le plus de liens personnels.

Cependant, s’ils appartiennent à la même grande zone géographique, ils m’intéressent notamment dans leurs nuances et leurs menues différences. Les hommes qui y évoluent ne sont pas si différents et pourtant, ils sont chacun porteur d’une histoire mais aussi d’une culture un peu différente de celles du voisin…

De Bamako à Lomé, ce roman dévoile une Afrique toujours plongée dans la tradition : infidélité, polygamie, excision, etc. Quelle comparaison peut-on faire avec la société d’aujourd’hui (est-ce qu’il y a eu une évolution, les mentalités ont-elles changé, ou alors c’est toujours la traditionnelle Afrique?)

Les trois histoires parlent du monde contemporain. Qu’on y décèle des traces de la tradition, peut-être, mais tout s’y passe aujourd’hui et je ne suis pas certaine qu’on puisse renvoyer dos à dos tradition et modernité ou les opposer comme les deux côtés d’une même médaille. La réalité est souvent plus imbriquée, plus fragmentée et plus complexe que cela.

Je ne prendrai que l’exemple du personnage d’Abou, le Malien qui prône des idées progressistes, mais se retrouve face à ses propres contradictions le jour où il s’agit de sa fille… Ce qui lui paraît simple et tranché perd de son évidence quand il s’agit de sa propre chair et de décisions qui le concernent directement. Dans ces cas-là, il ne réfléchit plus en termes de tradition ou de modernité, mais avec son cœur…

Quelles sont vos relations avec le continent ?

J’ai des attaches personnelles et profondes avec le Togo et le Mali. J’ai eu la chance de voyager parfois dans d’autres pays africains de la sous-région et je ressens cette sorte de proximité dont j’ai eu conscience tout de suite et qui fais que je me trouve dans une forme de dualité avec laquelle je suis très à l’aise, un pied ici, un pied en France.

Mais c’est un désir qui remonte au départ à très loin, à mon enfance, sans que je puisse expliquer cet attrait. En revanche, j’ai lu très tôt ce qu’on appelle la littérature francophone et qui, pour moi, appartient seulement à la littérature française. Disons qu’à un moment, même avant d’enseigner, il m’avait semblé aussi urgent de découvrir la littérature de langue française contemporaine que la littérature étrangère.

Les programmes scolaires lui font peu de place, mais je l’ai lue très tôt, par choix, par envie, par goût. Je crois que j’ai lu presque ensemble à l’adolescence la littérature allemande que j’aime aussi énormément, Thomas Mann, Stefan Zweig, qui est autrichien, Heinrich Böll, Goethe… et Kourouma, Hampâté Bâ, Mariama Bâ, Césaire, Damas, Birago Diop… tout ça évidemment dans un grand désordre, un texte en appelant un autre et je n’ai pas vécu ces lectures comme des découvertes différentes de ce que je lisais ensuite de la littérature mondiale.

Il est certain que mes liens avec le continent sont aussi en partie liés à des livres comme ma vie reste liée aux livres de toute façon.

Votre roman « Des villes et des hommes » est-il disponible à Lomé? Si oui, où peut-on s’en procurer?

On peut trouver +Des Villes et des hommes+ à Lomé, à l’excellente librairie Star bien sûr…! FIN

Propos recueillis par Ambroisine MEMEDE

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